Le Palais du Luxembourg, siège du Senat français, doit accueillir le 9 mars 2020 un colloque intitulé « L’Afrique des Grands Lacs : 60 ans de tragique instabilité » dont certains intervenants sont régulièrement accusés de nier le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Que cache ce colloque qui promet de faire polémique? L’économiste et expert de la Région, Gaston Nganguzi Rwasamanzi, nous aide à lever la voile.
LE DUEL FRANCO-RWANDAIS AUX MULTIPLES VISAGES
Depuis la défaite du régime génocidaire rwandais en 1994qui était soutenu par la France, et la neutralisation des ex FAR et milices hutu vaincues ayant fui au Zaïre sous la protection des forces françaises de l’Opération Turquoise, la France et le Rwanda se sont engagés dans un duel impitoyable principalement à l’initiative de la partie française qui n’acceptera jamais qu’un petit pays africain noir lui ai tenu tête avec succès aussi bien sur les plans militaire, diplomatique que politique au cours des 26 dernières années.
En effet, l’échec de l’aventure militaire française au Rwanda au nom de la protection de la culture française contre le danger anglo-saxon, (selon François Mitterrand lui-même),a été désastreuse pour la France qui a perdu quasiment toute influence au Rwanda, y compris l’usage de la langue française jusque-là exclusive dans les relations internationales et l’administration locale au profit de l’anglais, économiquement, le Rwanda s’est depuis lors tourné vers le monde anglo-saxon et l’Asie avec un succès remarquable au regard de la modicité de ses ressources et de l’état de destruction totale de son économie en 1994. Pour la France, puissance européenne, cette perte d’influence, et surtout cette « humiliation » unique en Afrique Noire de la part d’un pays géographiquement minuscule ne devrait pas rester impunie pour l’exemple et pour l’histoire. C’est ce contexte qui explique l’attitude belliqueuse et provocatrice de la France qui ne disparaitra, croit-elle, que le jour où le Rwanda aura plié et mis le genou à terre.
Depuis lors, l’hostilité de ce pays s’est manifesté de multiples manières à travers : la protection des génocidaires réfugiés sur son territoire, l’affaiblissement du tribunal d’Arusha, les mensonges, les déclarations insultantes et belliqueuses de personnages tels que Juppé, Védrine et certains anciens de Turquoise, les initiatives judiciaires très politisées du juge Bruguière suivies par l’interpellation de certains responsables politiques rwandais en mission en Grande Bretagne et en Allemagne.
A ces provocations, le Rwanda avait riposté par l’expulsion de l’ambassadeur de France et la fermeture de l’ambassade de ce pays à Kigali en 2006, en diligentant sa propre enquête sur l’implication française dans le génocide, tout en brandissant la menace d’engager des poursuites judiciaires contre certains hauts responsables politiques français ayant été notoirement impliqués dans des actions de soutien au défunt régime génocidaire. Les autorités allemandes et britanniques avaient fini par relâcher très rapidement les hommes politiques interpellés au grand dam des lobbyistes du régime génocidaire et des tenants de la suprématie française sur l’Afrique Noire. Comme nous le savons, l’accession de Nicolas Sarkozy avait quelque peu apporté une certaine accalmie à ces affrontements qui furent immédiatement relancés sous la présidence de François Hollande, socialiste et fidèle de François Mitterrand.
Avec l’arrivée de d’Emmanuel Macron, des personnes de bonne foi avaient cru qu’un très jeune président dépouillé de préjugés coloniaux allait contribuer à l’apaisement progressif des relations bilatérales, et l’attribution, avec le soutien de la France, de la Direction Générale de la Francophonie à Louise Mushikiwabo ex ministre des affaires étrangères du Rwanda avait donné l’impression que les deux pays étaient sur la voie de la normalisation, mais c’était sans compter avec le puissant réseaux du lobby des néo coloniaux qui détiennent encore des postes d’influence au sein de l’appareil politique français et pour lesquels la paix ne reviendra qu’avec la défaite du régime actuel de Kigali.
Le colloque qui va se tenir le 09/03/2020, au Senat Français, sur le thème « 60 ans de tragique instabilité, Afrique des Grands Lacs » est le visage d’une vaste bataille de désinformation conduite par les pires ennemis du Rwanda.
Ce fameux colloque a été précédé d’une réunion assez discrète tenue le 02/12/2019 dans les bâtiments de l’assemblée nationale française entre des hommes politiques français, Africa Watch, Martin Fayulu, le docteur Denis Mukwege qui devait y participer avait été reçu auparavant en grande pompe à la mairie de Paris, mais il avait été contraint de partir suite au décès de sa mère.
Les discussions avaient porté principalement sur la réactivation du Mapping Report des Nations Unies afin que des noms soient cités et des accusations engagées contre ces personnes, et cela au plus tard en mai 2020 en prévision du Sommet France Afrique de juin 2020 à Bordeaux.
De manière surprenante comme nous le savons, le Dr. Mukwenge s’est transformé ses derniers temps en ténor zélé de la réactivation de ce rapport mapping. L’acharnement affiché par ce médecin égaré en politique sert de toute évidence les instigateurs non visibles de cette initiative qui permettra au mieux d’incriminer les plus hauts responsables rwandais, et au pire de les éclabousser et de les mettre constamment sur la défensive.
Sans surprise, Martin Fayulu candidat malheureux et inconsolable face à Félix Tshisekedi s’est également emparé, peu de temps après cette réunion du 02/12/2020, de cette question du Mapping Report pour une raison stratégiquement complémentaire à celle de Mukwege comme nous allons le montrer dans les développements ultérieurs.
Concurremment, un troisième acteur Africa Watch a ouvertement mis en cause la légitimité de l’élection de Félix Tshisekedi aux côtés d’un Fayulu jubilant qui a appuyé bruyamment l’intervention de cette ONG dont l’activisme et les partis pris sont bien connus.
Le Dr. Denis Mukwenge qui est un mushi ayant de la parenté hutu dans la région frontalière de Cyangugu au Rwanda, comme des milliers de membres de cette tribu (tout comme une minorité a également des racines tutsi chez les shi), a vécu comme une tragédie existentielle personnelle la défaite du régime hutu en 1994, et il avait par la suite totalement basculé dans l’idéologie haineuse anti tutsi après la défaite éclair de l’armée zaïroise par l’armée rwandaise en 1996-1997 et l’occupation de la région de Bukavu. Depuis cette époque, savamment coaché et conseillé par des responsables d’ONG liées à la France et à certains milieux belges, il a constamment dénoncé les viols des femmes dans la région commis par les FDRL crées par Kabila père, et les milices shi, rega, vira etc…en prenant adroitement soin de les attribuer à mots couverts aux forces rwandaises, son rôle a été médiatisé et amplifié au-delà du réel par les mêmes ONG, et ultimement ces dernières ont œuvré d’arrache-pied jusqu’à sa promotion au prix Nobel de la paix afin que sa voix ait une audience et une portée au-delà du personnage en plus des ressources financières découlant de ce statut, et il faut reconnaitre qu’il remplit admirablement ce rôle.
Entretemps, le récent rapprochement rwando-congolais, depuis l’accession au pouvoir de Félix Tshisekedi est à ses yeux un sacrilège car sa haine du régime de Kigali transcende toute autre considération, c’est pour cette raison qu’il s’est allié à Martin Fayulu perdant des dernières élections présidentielles et à l’ONG Africa Watch pour mener une campagne de légitimisation de l’élection de Félix Tshisekedi et mettre à mal de la sorte le mouvement de rapprochement entre les deux pays. Les stratèges à l’assemblée nationale française avaient accompli un travail soigné car fin décembre 2019 et courant janvier-février 2020 une vague de désinformation venant de nulle part s’était abattue sur la RDC faisant état d’une vaste entreprise de balkanisation de la RDC grâce aux officiers tutsi infiltrés dans la hiérarchie militaire et les services de sécurité de la RDC, même les assassinats entre partisans des politiciens rivaux de l’ethnie nande à Beni à plus de 400 km de la frontière rwandaise étaient attribués aux tutsi « qui après avoir massacré les nande déversaient des milliers de rwandais dans cette partie du pays pour occuper leur place ».
Ces propos imaginaires et fantaisistes furent même imprudemment repris par le cardinal Fridolin Ambongo et le chef de l’Eglise Protestante du Congo, sans parler des vedettes de la musique congolaise comme Koffi Olomide et des politiciens historiquement hostiles aux tutsi. Le choc fut brutal et surprit tout le monde car les auteurs de cette désinformation voulaient faire apparaitre le nouveau président comme un incompétent complice de la partition du pays et indigne de gouverner la RDC même pour le futur.
A côté de cette guerre de désinformation, une entreprise au potentiel déstabilisant considérable est menée par les services secrets français à la faveur de la brouille, espérons-le éphémère, entre l’Ouganda et le Rwanda. En effet, profitant de la détérioration des relations entre Kampala et Kigali, la France a placé un nombre exceptionnellement important d’agents de la DGSE comme employés de l’entreprise pétrolière française Total en Ouganda en même temps que ses militaires mènent des manœuvres militaires conjointes dans la région du Ruwenzori avec l’armée ougandaise pour des entrainements de combats en pays de montagnes : il y a pour le moins, de quoi se poser des questions quand on connaît le désir sans borne de l’armée française d’infliger une revanche cinglante à l’Armée Patriotique Rwandaise depuis son échec au Rwanda en 1994.
Enfin, pour ce qui est du colloque du 09/03/2020 au Palais du Luxembourg siège du sénat français, le thème : « 60 ans de tragique instabilité, Afrique des Grands Lacs » n’attirerait que l’attention des experts, mais dans ce cas-ci, l’orientation idéologique de la majorité de ses animateurs ne peut conduire inévitablement que vers une confrontation, voulue par les organisateurs, avec le gouvernement de Kigali, il s’agit des personnages viscéralement hostiles aux autorités de Kigali telles que :
Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée sous F. Mitterrand au moment du génocide, organisateur indéfectible de l’aide tous azimuts au défunt régime génocidaire et fanatique ennemi du régime de Kigali.
Charles Onana négationniste célèbre du génocide des tutsi, défenseur du défunt régime génocidaire, et nègre de service des réseaux français anti tutsi.
Dr. Denis Mukwege gynécologue et activiste anti tutsi notoire.
Judi Rever auteur canadien négationniste du génocide des tutsi et auteur d’un ouvrage désignant le FPR comme auteur d’un génocide hutu.
J.M.V Ndagijimana ex diplomate hutu à la fin du génocide ayant préféré fuir ses fonctions en volant la caisse de l’ambassade du Rwanda à New York en septembre 1994, les fonds lui avaient été remis en espèces au moment où le système bancaire rwandais était en ruine. Il est aujourd’hui reconverti en expert des conflits dans la région des Grands Lacs ! Remarquable.
Il y a bien sûr d’autres intervenants moins flamboyants que les précédents mais tout aussi engagés contre Kigali.
Il faudrait s’attendre aux accusations les plus abjectes et un feu concentré sur la prétendue responsabilité de Kigali dans tous les malheurs de la région des Grands Lacs et spécialement ceux relatifs à la RDC. Parions toutefois qu’ils passeront sous silence ou qu’ils minimiseront les mini génocides de tutsi au Rwanda de 1961, 1963, 1973, 1990, les très nombreuses tentatives meurtrières, dès 1995,des ex FAR et Interahamwe à partir du Zaïre avec l’appui des militaires français et zaïrois pour parachever le génocide des tutsi au Rwanda qui ont provoqué la guerre avec le Zaïre de Mobutu, l’expropriation, le massacre et l’expulsion des tutsi congolais perpétrés par les forces génocidaires rwandaises et leurs alliés locaux du Magrivi au Kivu avec l’appui de l’armée zaïroise en 1995-1996, et tout récemment le nettoyage ethnique des tutsi banyamulenge des hauts plateaux des territoires d’Uvira, Fizi et Mwenga.
Si Kigali apparaît, de toute évidence, être la cible principale de cette entreprise de désinformation, Kinshasa risque d’en être une victime collatérale car le rapprochement Kinshasa-Kigali dérange les plans de tout ce beau monde car le régime du président Tshisekedi, en raison de sa politique de bon voisinage et des succès de son armée face aux milices FDLR risque à coup sûr d’être présenté comme complice du prétendu déstabilisateur et « balkanisateur » rwandais par ses adversaires tels que Martin Fayulu, Adolphe Mozito, et consort pour lesquels la haine contre Kigali est devenue un véritable fonds de commerce électoral, tandis que d’autres demeurent inconsolables face au démantèlement des FDLR qui ont toujours été un atout majeur entre les mains des forces hostiles au Rwanda depuis leur création en 1998 par Kabila père alors président de la RDC.
Compte tenu de tous ces ingrédients, la Direction Générale de la Francophonie n’était qu’un leurre pour le Rwanda, la France puissance européenne régentant encore de nombreux pays africains ne désarmera jamais tant que « le Rwanda ne se sera pas excusé de s’être opposé par les armes, à la France alliée aux forces génocidaires, pour que le génocide des tutsi ne s’accomplisse totalement » : or cela est totalement impossible.
Avoir autorisé la tenue de ce colloque en un lieu aussi prestigieux que le sénat français avec des animateurs idéologiquement marqués au fer rouge pour leur haine anti tutsi demeure un rappel clair que la France demeure encore pour longtemps un adversaire très dangereux. La France vient d’amplifier sa guerre de désinformation si bien préparée, et sûrement, d’autres guerres sous d’autres visages viendront. [ Cet article d’opinion a été publié pour la première fois par le media en ligne https://www.rwanda-podium.org] . (Fin)