Adrien-Nimpagaritse dans son champ à Butaganzwa
Adrien Nimpagaritse, le paysan et ancien réfugié burundais qui voulait faire un don de 100 kg de grains de maïs aux réfugiés ukrainiens est en cavale. Des agents des renseignements déguisés en journalistes ont tenté de l’enlever. Le concerné s’appelle Adrien Nimpagaritse. Originaire de la commune de Butaganzwa, en province de Ruyigi (est du Burundi), il est en cavale depuis jeudi dernier.
Selon le Collectif SOS Medias Burundi qui livre cette information, des agents de renseignements se sont déguisés en journalistes afin qu’ils puissent l’enlever mais il est parvenu à s’échapper. L’homme et ses proches demandent aux autorités d’assurer sa sécurité.
La gouverneure de province a été saisie. Les raisons derrière cette menace ne sont pas encore connues mais des sources locales disent que certains membres zélés du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, et des agents de renseignements considèrent «l’acte du paysan comme une insulte au gouvernement burundais» qui n’a rien donné.
Cet ancien réfugié burundais avait promis de donner une quantité de 100 kg de grains de maïs pour aider les gens qui fuient la guerre en Ukraine et demandé au HCR de venir récupérer le don, un acte qui a beaucoup été apprécié sur la scène internationale.
Tout commence la semaine dernière. Adrien Nimpagaritse reçoit un appel téléphonique des personnes qui se présentent comme des journalistes de la BBC. Ils lui ont dit qu’ils voulaient le rencontrer pour l’interviewer sur sa récente promesse de «donner 100 kg aux réfugiés ukrainiens».
« Il a eu un pressentiment d’un danger et a envoyé quelqu’un pour voir si réellement les personnes qui viennent à sa rencontre sont de vrais journalistes. Son ami a remarqué que le véhicule à bord duquel ses hôtes se trouvaient est une double cabine aux vitres teintées (véhicule souvent utilisé par les renseignements burundais). Il l’a conseillé de ne pas les rencontrer mais y est allé quand même », disent des témoins.
Quand il a rencontré les personnes qui s’étaient présentées comme des journalistes, elles lui ont proposé de monter dans le véhicule pour «aller nous entretenir loin des yeux indiscrets», indique M. Nimpagaritse.
Il est parvenu à s’échapper. Deux policiers postés non loin du lieu de rencontre l’ont poursuivi, en vain.
« Ils sont restés dans la localité jusqu’au soir de ce jeudi dans l’espoir de le surprendre à son retour», ont témoigné à SOS Médias Burundi des habitants. Depuis, ce père de trois enfants et ancien réfugié vit en cavale.
Selon informations recueillies par SOS Médias Burundi, il s’est confié à la gouverneure de la province de Ruyigi. Emmerancienne Tabu lui a dit d’aller voir l’administrateur de Butaganzwa pour «gérer la situation». L’intéressé et ses proches disent craindre pour sa sécurité. Ils demandent aux autorités burundaises de le protéger.
Jusqu’à présent, nous ignorons les raisons derrière la menace contre Adrien Nimpagaritse. Mais des sources proches du dossier ont révélé à SOS Médias Burundi que «des membres zélés du CNDD FDD et des agents des renseignements considèrent son acte comme une insulte au gouvernement burundais qui n’a rien donné ».
Les autorités communales à Butaganzwa et provinciale de Ruyigi n’étaient pas disponibles pour réagir à ces allégations.
L’histoire de cet ancien réfugié a été diffusée pour la première fois par la BBC mi-mars avant d’intéresser plusieurs autres médias internationaux. Sur les réseaux sociaux surtout burundais, tout le monde a salué «un acte de bravoure».
« En tant qu’ancien réfugié moi-même, j’ai pensé à offrir un peu d’aide. Je suis un paysan, je n’ai pas grand-chose à donner mais j’ai un cœur aimant. En regardant les images, j’ai vu des femmes et des enfants mourir. Je n’ai pas de voix pour contribuer à apporter une solution au conflit, mais je peux donner une partie de ce que j’ai cultivé en gage d’amour », avait-il déclaré à la BBC.
Nimpagaritse était un orphelin de quatre ans lorsqu’il a fui vers la Tanzanie voisine en 1996 en pleine crise ethnique déclenchée par l’assassinat du premier président Hutu démocratiquement élu Melchior Ndadaye, trois ans plus tôt.
Il a grandi dans le camp de réfugiés de Mutendeli, où il est allé à l’école, pour ne rentrer au Burundi que 11 ans plus tard, en 2007, à l’âge de 15 ans environ.
« J’ai vu ce que c’était que d’être un réfugié – nous pouvions à peine trouver quelque chose à manger », se souvient le père de trois enfants.
Il y a quelques jours, des agents d’une ONG partenaire du HCR devraient aller « récupérer son aide pour l’Ukraine ».