Depuis deux semaines, la population riveraine de la Kibira des communes Muruta et Kabarore en province Kayanza (nord du Burundi) signale un groupe rwandais armé circulant surtout à la tombée de la nuit dans cette réserve naturelle.
Des habitants des environs de la forêt se disent inquiets et soupçonnent les FDLR, une milice extrémiste hutu liée directement au génocide des Tutsi du Rwanda en 1994.
Le groupe d’hommes armés parle Kinyarwanda et Kiswahili. « Ils parlent beaucoup le Kiswahili mais d’autres parlent le Kinyarwanda. Ce sont sans doute des éléments – FDLR », estiment des habitants qui se sont confiés au Collectif SOS Médias Burundi.
Des habitants voient ce groupe armé circuler, demander le chemin dans certaines communes de Cibitoke, comme Mabayi et Bukinanyana. Ils portent des tenues militaires et des bottes usées, des casquettes et bérets différents.
« Nous les avons vus avec des armes munies de boîtes à cartouches. Nous avons eu peur surtout qu’ils parlaient d’autres langues que la nôtre. Nous avions pensé qu’ils étaient en train d’étudier le terrain et surtout cibler les ménages qu’ils peuvent piller, généralement ceux ayant le bétail », racontent des pères de famille.
Ils disent se sentir menacés par la présence de ces hommes armés et demandent que la sécurité soit renforcée avant que la situation ne se détériore. Le nombre n’est pas précis mais des habitants parlent d’une centaine d’hommes.
« Nous avons entendu que dans certaines communes de la province Cibitoke à savoir Mabayi, Bukinanyana surtout, ces personnes font des navettes même pendant la journée. Des cultures de champs à proximité de la Kibira ont été emportées pendant la nuit », indiquent-ils.
Les habitants s’interrogent sur la mission de ces hommes armés. Ils soupçonnent que « ces hommes doivent collaborer avec nos militaires car il n’y a pas eu d’affrontements comme avant. Ils demandent où se trouvent des positions militaires mais ils essaient de s’en éloigner ».
Pour ces habitants, l’objectif de ces hommes armés est d’attaquer le Rwanda, surtout que la Kibira se prolonge jusque dans ce pays limitrophe par le parc de Nyungwe.
Depuis le 11 janvier de cette année, les tensions entre le Burundi et le Rwanda sont montées d’un cran. Après avoir accusé le Rwanda de soutenir un groupe rebelle qui a mené des attaques sur son sol, le Burundi a annoncé la fermeture de la frontière avec son voisin. Des accusations démenties par Kigali qui dit «regretter» une décision «unilatérale.
Un triangle régional
Ces derniers mois, le Burundi a progressivement adopté les mêmes langages que la RDC pour critiquer le voisin rwandais. Alors que les relations entre le Burundi et la RDC sont au beau fixe, celle entre les deux alliés et leur voisin ont rarement été aussi tendues.
Lors d’un discours à l’investiture du Président congolais Felix Tshisekedi à laquelle le Rwanda n’était pas convié, le Président burundais et ancien rebelle hutu a notamment appelé les jeunes Rwandais à se soulever contre Kigali.
Par ailleurs, le Président burundais Évariste Ndayishimiye a expédié ses troupes en RDC pour combattre le M23 au côté des FARDC (Forces Armées de la RDC) et leurs alliés dont les FDLR. La RDC accuse en effet le Rwanda de soutenir le M23, ce que Kigali a toujours nié.
Les FDLR comprennent les ex-FAR et des forces Interahamwe qui furent le fer de lance du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Depuis, ils entretiennent et propagent en RDC une idéologie de haine anti-Tutsi avec ses corollaires des violences génocidaires; et de nombreuses zones des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et au-delà sont devenues inhabitables pour les Tutsis congolais.
Aujourd’hui, depuis leurs bases en RDC où ils se sont repliés après leur défaite en 1994, les FDLR ont transmis leur vision du monde à une nouvelle génération. S’appuyant sur les tensions ethniques locales, endogènes et liées à une compétition territoriale, ils ont inculqué aux Congolais l’idée hamitique, c’est à dire l’idée d’un conflit régional entre peuples bantous (dans lesquels ils classent les Hutu) et nilotiques (Tutsi, Banyamulenge et Hema).
A ce jour, ils rêvent toujours de reconquérir le Rwanda, où ils comptent réinstaurer un régime d’apartheid semblable à celui qui existait avant 1994 et parachever le génocide qu’ils ont commis il y a trente ans et qu’ils poursuivent en RDC contre les Tutsi qui sont pris pour cible à cause de leur faciès, y compris dans le cadre de la campagne anti-M23 en cours.
Le M23 se bat principalement pour le retour dans leur pays de leurs proches qui croupissent dans des camps de réfugiés au Rwanda, en Ouganda et ailleurs dans la région depuis plus de 30 ans. Ils avaient fui et continuent de fuir le nettoyage ethnique dont ils sont victimes à cause de leur morphologie avec la complaisance et la complicité de leur gouvernement.
La rébellion du M23 a resurgi en 2022, après dix ans d’exil de ses dirigeants et de mise en sommeil du mouvement, et après 14 mois de négociations officieuses et infructueuses avec Kinshasa.
Les hostilités armées en cours au Nord-Kivu oppose le M23 (Mouvement du 23 Mars) aux forces coalisées du régime de Kinshasa composées de : l’armée nationale congolaise (FARDC), les génocidaires FDLR, les milices anti-Tutsi intégrées dans l’armée appelées “Wazalendo” qui se livrent à des tueries ciblées contre les Tutsi et diffusent une rhétorique anti-Tutsi, plus de 2000 mercenaires européens engagés par le gouvernement de la RDC depuis 2022, l’armée burundaise et les Forces de la SADC.
La MONUSCO collabore ouvertement, -dans le cadre d’une opération conjointe-, avec les FARDC qui ont intégré les forces négatives susmentionnées, y compris le groupe génocidaire FDLR, et qui ont engagé des mercenaires européens en dépit de la Convention de l’OUA du 3 juillet 1977 pour l’élimination du mercenariat en Afrique.
L’indifférence de la MONUSCO à l’égard de la vie des Tutsi est illustrée par le récent lynchage du lieutenant Gisore Kabongo Patrick, un soldat tutsi des FARDC, qui a eu lieu en plein jour dans les rues de Goma où la mission de maintien de la paix de la MONUSCO est stationnée. Le jeune Tutsi, père de neuf enfants, a été lapidé et brûlé vif par une foule de personnes, dont des enfants, qui le traitaient de “Rwandais”.
Ce récent crime de haine illustre la persécution systémique de longue date de la minorité Tutsi congolaise en RDC, qui est à la base du conflit et de l’instabilité dans la région des Grands Lacs, et dont les Nations unies, par l’intermédiaire de leur mission de maintien de la paix, la MONUSCO, continue à se faire les complices. (Fin)