Un meeting à Bugendana, au Burundi, lors du lancement de la campagne du parti au pouvoir, le 27 avril 2020. © 2020 Privé
By Lewis Mudge*
Kigali: Alors que la plupart des pays du monde essayent de ralentir la progression du Covid-19 et de limiter les pertes en vies humaines qu’il entraine, le Burundi expulse des experts de la santé. Cette semaine, le gouvernement, qui refuse de reconnaître la menace que représente ce virus, a recouru à des tactiques familières en déclarant persona non grata le représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le pays, ainsi que trois de ses experts, sans donner de raison.
À moins d’une semaine du jour où les Burundais se rendront aux urnes pour élire leur prochain président, leurs représentants locaux et leurs parlementaires, les tensions augmentent. Ces dernières semaines, des sources dans les secteurs médical et humanitaire ont fait part à Human Rights Watch de leurs préoccupations sur le fait que les autorités n’en font pas assez pour limiter la propagation de la maladie. Le Burundi n’a que 27 cas confirmés, mais des professionnels de la santé ont déclaré dans les médias que le gouvernement minimisait la crise et dissimulait le vrai nombre de morts.
À l’approche des élections du 20 mai, les autorités ont eu recours à des théories d’exceptionnalisme national et fait des déclarations menaçantes pour minimiser la menace du virus. Le gouvernement a également informé la Communauté d’Afrique de l’Est, que l’équipe d’observateurs électoraux serait soumise à une quarantaine obligatoire de 14 jours si elle se rendait au Burundi. Bien que des restrictions à la circulation pour faire face à la crise sanitaire soient justifiées lorsque cela est nécessaire et proportionné, pour que les élections soient équitables, le Burundi devrait veiller à ce qu’elles soient ouvertes à un suivi indépendant et à ce que justice soit rendue pour tout crime et abus. Les élections au Burundi risquent de se dérouler de fait à huis clos, ce qui semble être précisément le souhait des autorités.
Depuis qu’une crise politique a éclaté au Burundi en 2015, les autorités n’ont reculé devant aucune mesure pour réduire l’espace réservé aux voix dissidentes. Le Burundi refuse de coopérer avec les mécanismes internationaux et régionaux des droits humains et a fermé le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies au Burundi début 2019. Malgré des demandes répétées, la Commission d’enquête sur le Burundi mandatée par l’ONU n’a jamais été autorisé à se rendre dans le pays. Maintenant, ce sont les responsables de l’OMS qui ont été ajoutés à la liste des personnes interdites de séjour.
La Commission d’enquête sur le Burundi a fait état aujourd’hui d’une aggravation des tensions politiques, d’actes de violences, et d’arrestations parmi les membres et les candidats de l’opposition depuis le début de la campagne. Un orage se prépare au Burundi, mais après des années de répression dans ce pays, bien peu nombreux sont ceux qui peuvent témoigner et tirer la sonnette d’alarme. (Fin).
*Lewis Mudge est Directeur, Afrique Centrale de Human Rights Watch, organisation internationale des droits humains basée à New York.