Camp de réfugiés de Mahama
Au camp de réfugiés de Mahama, plus de cent demandeurs d’asile burundais détiennent une carte d’identité rwandaise, ce qui leur confère d’office la nationalité de ce pays. Nombre d’entre eux l’ont eu soit par fraude ou encore par affiliation familiale. Aujourd’hui, ils vivent dans la misère et n’ont aucune assistance car, en principe, ce ne sont pas des réfugiés. Ils appellent au secours.
Selon le Collectif SOS Médias Burundi qui a réalisé ce dossier, l’histoire remonte à 2019. Le gouvernement du Rwanda a effectué un recensement de grande envergure de tous les réfugiés, une activité qui impliquait les services de l’immigration, le service national d’identification, le ministère en charge des réfugiés et le HCR.
« Il y avait déjà ceux qui étaient surpris avec des cartes d’identité rwandaise alors qu’ils s’étaient déclarés réfugiés burundais. Une situation compliquée parce que les ID du Rwanda sont traçables parce qu’elles sont informatisées avant d’être délivrées par des cellules de base. Alors, le gouvernement a voulu en quelque sorte faire ses investigations pour s’enquérir de la situation», explique un des leaders des réfugiés au Rwanda.
Conséquence, au camp de Mahama, on trouve des gens qui sont en même temps reconnus par le système rwandais d’identification, et qui ont aussi le statut de réfugié.
« La première catégorie est constituée de Burundais qui se sont cru malins, qui ont trompé la vigilance des autorités locales et qui ont peut-être même payé des pots-de-vin pour qu’ils soient reconnus comme résidents dans telle ou telle autre cellule. L’objectif étant d’avoir des cartes d’identité pour travailler en tant que Rwandais », explique une source qui a requis l’anonymat, ajoutant que cette situation a été un peu fréquente en 2015.
Ainsi, les enfants qui naissent de cette catégorie sont automatiquement Rwandais, ce qui fait que le nombre augmente d’année en année, observent des réfugiés burundais.
La proximité avec la frontière y joue aussi un grand rôle.
« La deuxième catégorie est constituée de Burundais qui vivaient dans les communes frontalières avec le Rwanda, essentiellement de la province Kirundo (nord du Burundi). Ceux-là ont fui alors qu’ils avaient pris des cartes d’identité rwandaise longtemps avant 2015 », détaille une source bien informée.
D’autres, non moins nombreux, sont des Rwandais nés au Burundi.
« Ce sont des descendants des Rwandais qui s’étaient réfugiés au Burundi. Alors, ceux-là ne sont pas rentrés avec les autres et ont fondé des foyers au Burundi. Quand nous avons fui, certains sont venus avec nous et comme leurs parents sont Rwandais, eux aussi deviennent automatiquement des Rwandais », apprend-t-on.
La dernière catégorie est celle de Burundais qui ont des conjoints d’origine rwandaise.
« Ceux-là aussi, selon le code de famille au Rwanda, ils sont considérés comme des Rwandais », comme l’affirment des sources au camp de Mahama.
Le nombre exact de tous ces « faux Rwando-Burundais » qui vivent au camp de Mahama à l’Est du pays n’est pas rendu public. Mais, des leaders locaux qui reçoivent régulièrement leurs plaintes, affirment qu’ils dépassent la centaine.
Répercussions
Ce résultat du recensement a de lourdes conséquences sur les conditions de vie.
«Pas d’assistance en monnaie ni en vivres car nous ne sommes pas reconnus par le système du HCR comme des Burundais qui ont fui. Nous ne sommes pas en quelque sorte des réfugiés. Nous sommes classés dans le dossier des litiges et nous sommes malheureux ici au camp. Nous demandons que le Rwanda accepte que nous remettions ses cartes d’identité et que nous restions Burundais », déclarent-ils.
Solutions
Pour essayer de dénouer cette problématique, le service des litiges du ministère en charge des réfugiés fait des visites trimestrielles ou semestrielles au camp de Mahama, mais comme les dossiers sont jour après jour plus nombreux, la prise de décisions est lente.
« La situation est tellement compliquée car des fois la décision qui est prise est de prouver que nous sommes réellement des Burundais avec des attestations de naissance actualisées. Comment pouvons-nous avoir ces documents qui sont délivrés dans les communes au Burundi, nous qui sommes au camp de Mahama ? Nous demandons une sorte d’amnistie générale », insistent les concernés.
Des leaders des réfugiés burundais veulent que cette question soit étudiée au plus haut niveau des institutions en charge des réfugiés au Rwanda et qu’elle soit définitivement vidée car « elle porte atteinte aux droits des réfugiés jusqu’aux enfants qui n’ont pas fait ce choix ».
Le camp de Mahama compte plus de 55.000 réfugiés, essentiellement burundais, le reste étant des Congolais. (Fin)