Verdict dans 30 jours du procès en appel des 4 journalistes burundais

Les reporters d’iwacu arrivent au tribunal de Bubanza pour une audience devant la cour d’appel de Ntahangwa (en itinerance)

Kigali: Quatre journalistes attendent dans 30 jours le verdict de leur procès en appel au Burundi. Ils sont emprisonnés depuis plus de six mois pour “tentative de complicité d’atteinte à la sécurité de l’État”.

L’audience a eu lieu ce mercredi 6 mai 2020 à Bubanza (Ouest-Burundi) où les journalistes sont détenus. Ils ont interjeté appel contre une peine d’emprisonnement de deux ans et demi  ferme et un million de francs burundais (482 euros) d’amende chacun.  

Le Groupe de Presse Iwacu qui les emploie est satisfait de la façon dont les juges ont conduit le procès  en appel.

« Fin de l’audience à Bubanza. La défense d’Iwacu est satisfaite. Les accusations contre les journalistes ne tiennent pas. Les journalistes ne faisaient que leur métier : informer. Quel soulagement! », se réjouit Antoine Kaburahe, Fondateur et Directeur d’Iwacu.

«La défense salue l’impartialité de la cour qui a siégé à Bubanza. Elle a permis à la défense d’Iwacu de démonter les accusations du ministère public. Honneur aux juges qui disent le droit. Verdict dans maximum  30 jours. Courage, encore quelques jours chers collègues et vous serez Iwacu ! », ajoute Antoine Kaburahe exilé en Belgique.

Les quatre reporters et leur chauffeur  ont été arrêtés le 22 octobre 2019 alors qu’ils étaient venus couvrir une attaque surprise d’un groupe de rebelles burundais basé dans l’Est de la RDC.  Le 30 janvier dernier, les quatre journalistes ont été condamnés  tandis que le chauffeur a été libéré par le jugement de première instance.  

Des ONG plaident en faveur de leur libération immédiate

Le Comité pour la Protection des Journalistes(CPJ) appelle à leur libération. “Ils n’auraient jamais dû être arrêtés, encore moins condamnés à de la prison. Avec la propagation du Coronavirus, chaque instant passé en détention représente un risque inacceptable pour leur santé”, a déclaré la représentante du CPJ pour l’Afrique subsaharienne, Muthoki Mumo, dans un communiqué.   

Le CPJ rappelle également que les conditions de détentions des journalistes sont déplorables. “Il est impossible d’effacer les souffrances déjà endurées (…) Les autorités peuvent cesser d’aggraver l’injustice en ne contestant pas leur appel et en les libérant immédiatement et sans condition”, ajoute Madame Muthoki.

Le CPJ demande au Président burundais Pierre Nkurunziza de faire un geste avant la fin de son mandat. En accordant une libération à Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Egide Harerimana et Térence Mpozenzi.

Human Rights Watch(HRW), organisation internationale de défense des droits humains,  estime que l’emprisonnement des reporters est un moyen de faire taire les journalistes travaillant pour des médias indépendants et encore en activité au Burundi après la crise de 2015.

“Informer le public sur des sujets qui le concernent ne devrait pas conduire à des poursuites pénales. Cette procédure illustre crûment la politisation de l’appareil judiciaire au Burundi”, estime Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch.

HRW souligne que « le terrain est glissant » au Burundi pour les journalistes indépendants et les défenseurs des droits humains et encore davantage avec la campagne électorale en cours.

“Les condamnations font partie d’un schéma de répression des personnes qui tentent de faire lumière sur des abus ou d’informer sur des sujets sensibles. Elles s’inscrivent dans un contexte de répression accrue à l’encontre des personnes perçues comme étant des détracteurs du gouvernement, surtout avec les élections. Des poursuites judiciaires, menaces et actes d’intimidation ont contraint de nombreux activistes et journalistes à cesser leur travail sur les questions sensibles de politique ou de droits humains ou à quitter le pays”, constate l’organisation.

Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités à prononcer leur libération immédiate et l’abandon total des charges qui pèsent contre ces reporters qui n’ont rien à faire en prison.

“Il y a eu beaucoup de larmes, mais la rédaction n’est pas découragée. C’est un devoir de garder la flamme de l’information allumée”, confie l’un des cadres d’Iwacu qui espère que le procès en appel qui s’est ouvert ce mercredi 6 mai permettra à ses collègues de retrouver la liberté après plus de six mois passés derrière les barreaux.

“Si la justice se base sur les faits et dit le droit, la libération et l’acquittement de ces quatre journalistes est la seule issue possible de ce procès en appel, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Ils n’ont fait que leur métier en allant couvrir un sujet qui aurait amené n’importe quelle rédaction du monde à envoyer une équipe de reporters sur le terrain. Nous exhortons les autorités à les libérer et à abandonner les charges qui pèsent contre eux. Ces journalistes, comme l’ensemble de la presse du Burundi, devraient pouvoir aborder tous les sujets, y compris les plus sensibles, sans crainte de représailles à l’approche de l’élection présidentielle du 20 mai. L’accès à une information libre, indépendante et critique est une condition indispensable à la tenue d’un scrutin crédible et transparent.”

La pétition lancée par RSF pour demander leur libération a déjà recueilli près de 7000 signatures depuis le début de l’année. L’ONG rappelle que le journal Iwacu, l’un des derniers bastions de la presse libre et indépendante au Burundi, est régulièrement visé par les autorités, son site internet bloqué et ses journalistes continuellement menacés dans le cadre de leur travail. Un député a récemment menacé “d’écraser la tête” des journalistes de cette rédaction après un article qui lui avait déplu. Un des journalistes les plus connus d’Iwacu, Jean Bigirirmana, enlevé en juillet 2016 est porté disparu depuis.

Selon RSF, Iwacu n’est pas le seul média sous pression. Deux grandes radios internationales, la BBC et VOA ont été suspendues indéfiniment de manière complètement arbitraire. Le verrouillage du paysage médiatique est tel que RSF avait alerté sur le risque de disparition de toute forme de journalisme indépendant à l’approche de l’élection présidentielle prévue le 20 mai 2020.

Depuis 2015, le Burundi a reculé de 15 places dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF. Le pays occupe aujourd’hui la 160e position sur 180. (Fin)