22/05/1994: Prise de l’Aéroport de Kanombe et du camp militaire de Kanombe, un coup fatal pour le gouvernement génocidaire

By Dr BIZIMANA Jean Damascène*

Le 22 mai 1994, l’aéroport de Kanombe ainsi que le camp militaire de Kanombe ont été pris par les soldats du FPR Inkotanyi, une date très importante dans la campagne entreprise par le FPR contre le génocide. Le gouvernement génocidaire continuait néanmoins à massacrer les Tutsi dans les zones qu’il contrôlait.

1)      La prise de l’aéroport de Kanombe et du camp militaire Kanombe, un coup fatal au gouvernement génocidaire

Samedi 21 mai 1994, La RTLM exhorte à « tuer Dallaire ». Les FAR tirent sur le  Quartier General de la MINUAR.

Le 22 mai 1994, l’aéroport de Kigali et le camp militaire de Kanombe ont été pris par les militaires du FPR Inkotanyi qui en ont chassé les tueurs du régime criminel dit Abatabazi. La prise de l’aéroport international de Kanombe et du camp militaire de Kanombe constituent une des grandes réussites de la campagne contre le génocide entreprise par le FPR Inkotanyi.

Le même jour, le président du régime criminel, Theodore Sindikubwabo, a écrit au président français, Francois Mitterrand, que ses troupes s’étaient retirées de l’aéroport de Kanombe, faute de munitions suffisantes, dans le but d’attirer l’attention de Mitterrand sur une potentielle aide militaire de la France. Il le remercie pour le soutien apporté « jusqu’à ce jour » et lui demande une aide urgente. Il lui téléphone également.

2)      Massacres de Tutsi à l’hôpital de Kigeme, Nyamagabe

L’hôpital de Kigeme est situé dans le District de Nyamagabe, Secteur de Gasaka, Cellule de Kigeme. Le 07 avril 1994, les tueurs ont commencé à tuer les Tutsi en Commune Mudasomwa et Muko proches de Kigeme, de même que dans la Commune Nyamagabe dans laquelle se trouvait l’hôpital.

Ainsi, l’hôpital de Kigeme a commencé à accueillir des blessés parmi lesquels huit (8) agents de l’entreprise EMUJECO qui travaillaient à Mudasomwa, et d’autres en provenance de Kitabi, de l’usine à thé de cette localité.

Le 13 avril 1994, de nouveaux nombreux blessés en provenance de la Commune Rukondo où les Tutsi qui s’étaient réfugiés à l’ADEPR Maheresho avaient commencé à être tués. Les blessés se sont tellement accumulés à l’hôpital Kigeme que le personnel médical en congé a été rappelé et que l’on a dû également faire appel aux stagiaires de l’école des infirmiers de Kigeme pour aider à soigner les blessés.

Les blessés qui arrivaient à cette époque à l’hôpital étaient soignés mais certains parmi ceux qui guérissaient de leurs blessures, étaient kidnappés et amenés discrètement pour être tués. D’autres étaient conduits par un véhicule qui venait pendant la nuit, pour les amener soi-disant à Murambi où on leur promettait de les protéger, mais étaient tués en cours de chemin lorsqu’ils arrivaient sur la barrière de Mwumba.

Le 22 mai 1994, le jour de la pentecôte, vers 6h du matin, des Interahamwe sont arrivés en provenance de Mudasomwa et des centres commerciaux de Kigeme, Gatyazo et d’ailleurs et ont amené tous les Tutsi encore en vie, les personnes qui veillaient sur ceux-ci, et également des membres Tutsi du personnel médical, pour aller les tuer en dessous de l’hôpital à côté des cuisines.

Les survivants de ces massacres se sont cachés dans les coins et recoins de l’hôpital, et dans les chambres individuelles dans lesquelles les tueurs n’étaient pas entrés. Le Préfet Bucyibaruta Laurent, le Bourgmestre Semakwavu et le Capitaine Sebuhura Faustin sont venus à l’hôpital et ont évacué les survivants sur Murambi où de très nombreux Tutsi avaient été tués ; parmi ceux qui y ont été amenés, il y avait des blessés qui n’y trouvaient aucun médecin pour les soigner, et la nourriture y manquait aussi. Jusqu’aujourd’hui, ceux qui ont été répertoriés, et dont l’identité est connue, pour avoir été tués dans l’hôpital sont au nombre de vingt-neuf (29), mais le nombre réel est beaucoup plus important parce que les blessés qui y étaient amenés n’ont pas été identifiés.

Parmi les responsables des massacres, il y avait notamment  Twagiramungu Edson, le Directeur de l’hôpital,  Filipo qui était commerçant au centre de Kigeme, Zimbabwe qui était le chauffeur de Monseigneur anglican Kayumba Normand, Gasana Venuste qui était commerçant, Kamugi Christophe, Mukono fils de Karamage, Kibuye, Munyentwari Rodrigue, Mutiganda Evariste, Ngoga de Gasarenda, Mbiligi, Munyenkware qui a été condamné par les juridictions Gacaca et décédé en détention, Minani, Nyiraneza, certains des gardiens de l’hôpital parmi lesquels Karuranga David, des Interahamwe et d’autres tueurs Hutu.

 3)      Massacres de Tutsi à Nyamirembe, à l’endroit appelé CND, Kamonyi

Au début du mois de mai 1994, les tueurs ont utilisé une astuce pour pouvoir débusquer les survivants des massacres, et ont déclaré que la paix était revenue et que les femmes et les filles ne seraient plus tuées parce que, ont-ils dit, elles n’appartiendraient à aucune ethnie. De nombreux Tutsi, dont une majorité de femmes et d’enfants, quittèrent les endroits, maisons et broussailles, où ils s’étaient cachés. Les femmes et les filles ont passé deux semaines à découvert, certaines d’entre elles vaquant aux activités quotidiennes chez ceux qui les avaient hébergées, d’autres s’abritant dans une partie de l’église de Kayenzi.

Le jour est arrivé où les tueurs les ont tous rassemblés sur un terrain qu’ils avaient appelé “CND”, vers 16 h du soir. Ils ont d’abord violé les femmes Tutsi à tour de rôle; et puis, sur proposition des deux fils Karagizo, Kanusu et de son frère, étudiants à l’université à Butare, ils ont préparé un feu de charbon, en vue de torturer leurs victimes en leur infligeant les plus grandes souffrances; ils ont pris des fers à repasser à charbon et un certain Lini a chauffé ceux-ci ; après quoi les fers furent appliqués sur les seins, les cuisses et les organes génitaux des femmes Tutsi. Ils les torturaient tout en les accusant notamment de posséder des fusils et des radios émetteurs avec lesquelles elles communiquaient avec les Inkotanyi, et que leurs parents allaient rencontrer l’ennemi à Kinihira.

A cause de la douleur, certaines de ces femmes, parmi lesquelles MUKAMANZI Eularia et Atharia, fille de MUNYANKINDI, ont accepté ce dont elles étaient accusées; les tueurs se sont alors d’abord rendus chez Eularia, ont creusé dans le parterre de fleurs sans y trouver de fusils, ont continué chez Atharia à Gaji, où ils n’ont également rien trouvé. Ils ont circulé la nuit avec les deux femmes, dénudées et blessées sur tout leur corps par les fers à repasser. Après ne pas avoir trouvé les fusils qu’ils recherchaient, les tueurs ont décidé de tuer les deux femmes chez Munyankindi. Il semblerait qu’ils les ont jetées dans les latrines, mais personne ne sait exactement quelle mort ils leur ont réservée.

Parmi les refugiées Tutsi qui ont été tuées à cet endroit, il y a eu MUKAMANZI Eularie, Atharia, KANAKUZE, MUKANYONGA et Rosette qui ont été répertoriées, tandis que de nombreuses autres victimes n’ont pas pu être identifiées. Parmi les responsables de ces massacres il y avait notamment Lini, ainsi que Kanusu et son frère, qui ont été identifiés comme étant les plus connus dans un groupe de nombreux tueurs.

CONCLUSION

Le Génocide perpétré contre les Tutsi a été planifié et mis en oeuvre par l’Etat rwandais. Ce plan a continué à être exécuté dans les territoires encore sous contrôle du Gouvernement.

* Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)