By Etienne Nsanzimana et Angélique U. Ingabire*
Ces derniers jours, plusieurs grands médias français ont été sollicités pour faire une large publicité à l’ouvrage de la polémiste canadienne Judi Rever, Rwanda, l’éloge du sang, diffusé en France par les éditions Max Milo, après que le manuscrit ait été refusé par les éditions Fayard.
Nous avons le plus grand respect pour les médias et leurs choix éditoriaux. Cependant, confrontés à des expériences insidieuses et amères de négation du génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994, nous espérons que tous refuseront de servir de relais médiatique de thèses conspirationnistes susceptibles d’induire le public en erreur.
Chaque génocide est l’occasion, pour des personnes friandes de provocations, de tenter de désinformer l’opinion publique en se proclamant détenteur de « la vraie vérité » sur « le dessous des cartes ».
Aujourd’hui en France, qui oserait tendre un micro à des personnes qui continueraient à alléguer que à Auschwitz, « on n’a gazé que des poux », que le massacre d’Oradour-sur-Glane est une invention de la propagande gaulliste, que les Arméniens de Turquie n’ont été la cible d’aucune campagne d’extermination, etc. ?
Dans son livre, Madame Rever prétend révéler que les Tutsis du Rwanda ont directement participé aux massacres d’autres Tutsi pour pouvoir mieux accuser les Hutu. Sur la base d’enquêtes (?) secrètes et de témoignages de « dissidents » (?) anonymes, elle accable les rescapés en les accusant d’avoir participé au massacre d’autres survivants pour alourdir le poids de la faute morale du Gouvernement intérimaire et de ses forces armées d’avril à juillet 1994 au Rwanda.
Les journalistes français sont aujourd’hui très conscients des effets durablement nocifs de la désinformation et de la diffusion de fausses informations. Ils conservent en mémoire les dégâts causés par l’accueil d’un auteur conspirationniste sur un plateau de télévision au sujet des attentats du 11 septembre 2001.
Madame Rever défend des thèses similaires, comme la lecture attentive de son livre le démontrera. Un sujet grave, un génocide, est délibérément exposé à l’infodémie. Nous appelons les médias français à s’opposer fermement à une entreprise de falsification de la vérité et d’outrage à la mémoire des victimes.
Nous avons toujours apprécié la vigilance des grands médias sur les questions déontologiques et leur refus d’épouser une ligne éditoriale fondée sur la polémique. Nous les alertons sur le risque de relayer, ne serait-ce que par mégarde, une nouvelle « effroyable imposture » concernant le génocide des Tutsi du Rwanda. (Fin).
* Etienne Nsanzimana est président d’Ibuka France, ONG pour la mémoire, la justice & le soutien aux rescapés du génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994.
Angélique U. Ingabire estprésidente de la CRF (Communauté Rwandaise de France)