Connaissant le passé tumultueux et jalonné des violences qu’a connu le Burundi, d’aucuns, surtout dans la région des Grands Lacs, craignent une résurgence des violences. Mais curieusement quand on arrive au Burundi, certes on sent une inquiétude de la population, mais les Burundais en très grande majorité ne pensent pas que leur pays peut replonger dans des massacres interethniques. Des signes qui ne trompent pas : il n’y a plus de quartiers réservés exclusivement aux Tutsi ou aux Hutu, aux cabarets dans divers endroits de la capitale Bujumbura Hutu et Tutsi s’assoient ensembles sans aucun signe de méfiance entre eux.
Bujumbura à la tête de la grogne
Les 3,5 millions d’électeurs burundais ont participé massivement (à plus de 90%) aux élections communales tenues le 24 mai. Juste une semaine après ces communales les résultats provisoires étaient annoncés . Coup de massue sur les têtes de l’opposition avec une large victoire du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, qui n’a laissé que des miettes à ces concurrents : le CNDD-FDD : 64%, le FNL : 14%, l’UPRONA : 6%, le Frodebu : 5%.
Les Burundais (surtout de Bujumbura) habitués aux changements et au vote sanction chaque fois qu’il y a élection démocratique-1993 avec l’élection du Frodebu et 2005 avec l’arrivée au pouvoir de CNDD-FDD- ne s’attendaient certainement pas à un score aussi confortable en faveur du parti au pouvoir. Ceux qui dénoncent les fraudes du parti au pouvoir avancent que certains faits troublants ont suscité leur suspicion : les communales repoussées de deux jours sans raisons valables, coupure électrique généralisée la soirée même du jour des élections alors que le décompte des voix commençait, achat des consciences, des urnes remplies de bulletins de vote qui n’ont pas été dépouillées ont déjà été retrouvées, etc.
Si la capitale Bujumbura grogne et surtout la classe des intellectuels et autres citadins, il en va autrement dans le fin fond du pays. Les drapeaux du parti CNDD-FDD sont visibles partout, à quelques rares endroits on trouve des drapeaux des autres partis. Est-ce parce que le CNDD-FDD est au pouvoir et dispose plus de moyens ? Ou bien c’est un signe de sa popularité ?
A Kirundo au Burundi un homme entre dans un minibus qui va vers Bujumbura en partance de Kigali et se met à parler de la politique de son pays avec un Rwandais assis à côté de lui : « Regarde toi-même, les signes qui montrent la popularité de CNDD-FDD sont partout », lance le Burundais. Il affirme que ceux qui contestent les résultats n’avancent aucune preuve crédible pour étayer leurs dires. « Le peuple aime le président [Pierre] Nkurunziza car il est très proche de lui », ajoute-t-il. Tout en parlant cet homme tripote son portable et sa photo le montrant en tenue militaire apparaît. Il est certainement un soldat burundais, peut-être issu de l’ancienne rébellion du CNDD-FDD actuellement au pouvoir.
Dans ces conditions le seul enjeux qui reste pour les élections présidentielles du 28 juin est le taux de participation. Si la population vote en masse le CNDD-FDD pourra se frotter les mains car l’opposition invite ses partisans au boycott des présidentielles.