• Audition de Monique AHEZANAHO, partie civile.
• Audition d’Alfred MAGEZA, ancien détenu.
• Audition d’Anaclet DUFITUMUKIZA, gendarme.
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Avant que les auditions ne commencent, maître FOREMAN, avocat du CPCR, souhaite intervenir rapidement à propos du courriel adressé la veille par monsieur BIRUKA pour annoncer son refus de venir témoigner. « Les éléments embusqués au sein du CPCR » et qui sont présents dans cette salle ne sont autres que Dafroza et Alain GAUTHIER et une jeune femme bénévole qui prend le verbatim en vue des comptes rendus d’audience de l’association. Et de conclure: «On est dans le délire le plus complet. »
Audition de madame Monique AHEZANAHO, citée par le ministère public. Partie civile aux côtés d’IBUKA, rescapée du génocide des Tutsi à Tumba.
Le témoignage bouleversant d’une rescapée qui ne doit la vie qu’à son violeur qui l’a séquestrée pendant toute la durée du génocide.
Ce compte-rendu est en cours de rédaction. Il sera disponible dans la soirée.
Audition de monsieur Alfred MAGEZA, cité par le ministère public. Ancien détenu.
Le témoin, manifestement perturbé, se présente devant la cour pour raconter la façon dont il a vécu le génocide à Tumba. Le témoignage qu’il donne ne correspond presque en rien avec les déclarations qu’il a faites devant les enquêteurs français en 2010 alors qu’il était en prison. A part le fait de reconnaître que monsieur MUNYEMANA faisait partie des autorités, il va remettre en question ses dépositions précédentes.
Trois documents apparaissent dans le dossier:
1. Une courte audition par le parquet de Butare versée par le CPCR
2. Une autre datée de 2003, également versée par le CPCR
3. Le long témoignage de monsieur MAGEZA en présence des juges des enquêteurs français.
Monsieur le président commence par préciser qu’il demandera au représentant du CPCR comment il s’est procuré ces documents (NDR. Il est fort probable que la défense posera la même question, comme à chaque procès depuis dix ans.) Toujours est-il que lors de cette audition le témoin va tenir des propos totalement contraires à ceux qu’il a tenus précédemment. Monsieur le président aura beau demander à monsieur MAGEZA pourquoi il a menti aux juges d’instruction, mesdames POUS et GANASCIA, le témoin ne trouvera aucune justification. Monsieur SOMMERER, après avoir tenté de résumer les propos du témoin, finira par déposer les armes. Il renonce à poursuivre l’audition.
Et ce ne sont pas les questions posées pat l’accusation ou la défense qui permettront d’apporter des réponses.
Audition de monsieur DUFITUMUKIZA, gendarme Tutsi (s’était déclaré Hutu pour entrer dans la gendarmerie). Accusé devant deux gacaca mais acquitté. Cité par le ministère public.
Monsieur DUFITUMUKIZA commence son audition en disant qu’il connaît l’accusé pour avoir été gendarme à Tumba pendant toute la durée du génocide. Il le connaissait même avant. Le témoin était locataire d’une maison située tout près du bureau du secteur, non loin également de chez Sosthène MUNYEMANA. Il vivait là avec sa femme tutsi et ses deux enfants. Lui-même, Tutsi du Nord, avait changé « d’ethnie » pour pouvoir entrer dans la gendarmerie.
Avant le génocide, au temps du multipartisme, le témoin déclare avoir fréquenté régulièrement le bar de RUGANZU où il se retrouvait le soir avec MUNYEMANA et ses amis: on parlait souvent politique. Et le témoin de préciser que dès la naissance du Hutu Power monsieur MUNYEMANA, alors membre du MDR, est devenu MDR Power, comme tous les membres de son groupe. Ces derniers tenaient des propos virulents à l’égard de Faustin TWAGIRAMUNGU et de Agathe UWILINGIYIMANA, adeptes de la tendance modérée du parti. Très rapidement, le MDR Power s’est rapproché de la CDR et du MRND dont le but était le même: exterminer les Tutsi.
Si le génocide a commencé le 20 avril 1994 à Butare, suite au discours du président SINDIKUBWABO, le témoin précise qu’un groupe l’avait préparé « avec minutie, intelligence et méchanceté » (sic). Dans ce groupe, des noms connus: MUNYEMANA, Vincent MUREKEZI, Siméon REMERA et sa femme Gemma, KUBWIMANA, RUGANZU et Innocent, le fils de François BWANAKEYE. « Ce sont ces personnes qui ont dirigé les massacres. »
Le témoin d’évoquer ensuite le déroulement des massacres sur la colline de Tumba: organisation des rondes auxquelles participait l’accusé, soutien des gendarmes qui allaient « travailler » avec les meneurs. La méthode semblait rôdée: d’abord élimination des hommes tutsi, surtout les gens importants, puis les pauvres de sexe masculin puis les femmes et les jeunes filles après les avoir violées. Est venu l’ordre, ensuite, de tuer tous les Tutsi.
Le témoin affirme avoir sauvé beaucoup de gens: en tant que militaire, il recevait beaucoup de nourriture qu’il partageait avec les plus nécessiteux. Pour confirmer ses dire, il va donner plusieurs exemples: celui d’une femme tutsi qui avait épousé un Hutu et dont les enfants allaient sur les barrières. Quand ils ont appris qu’on allait tuer leur mère, ils sont venus voir monsieur qui les a rassurés: « Si on tue votre mère, dites au tueurs qu’on viendra tuer leurs femmes. » Le témoin va donner aussi l’exemple d’un cousin de son épouse auquel il fera apporter de la nourriture alors qu’il était enfermé au bureau du secteur. Cela ne suffira toutefois pas à le sauver. Un dernier exemple concernera une maman qui travaillait à l’hôpital à Butare.
Enfin, le témoin évoque l’arrivée des soldats français dans la Zone Turquoise, juste au moment où Sosthène MUNYEMANA décide de fuir vers le Congo. Le 22 juin? (NDR. On peut avoir des doutes, malgré le tampon sur son passeport, dans la mesure où des témoins l’auraient vu habillé de feuilles de bananiers lors du passage de monseigneur ETCHEGARAY à Butare, le 24 juin.)
Monsieur le président va reprendre alors les points importants de l’audition du témoin devant les enquêteurs français. A aucun moment monsieur DUFITUMUKIZA ne sera pris en défaut. Il confirmera tous les propos qu’il avait tenus en présence des Français.
Il se fait tard. Le ton monte quelque peu lorsque monsieur le président demande au témoin ce qu’auraient dit les extrémistes si monsieur MUNYEMANA s’était comporté autrement, s’il avait cherché à sauver les Tutsi. Monsieur DUFITUMUKIZA se refuse à faire de la science-fiction.
La défense, quelque peu démunie devant ce témoignage, s’étonne que le témoin ne se souvienne plus d’une visite qu’il aurait rendue à MUNYEMANA le 23 ou le 24 avril. Le témoin s’en était déjà expliqué sur question de monsieur le président. Quant aux clés du bureau du secteur, est-il très important de savoir combien il y en avait? Dismas NSENGIYAREMYE était-il du MDR Power? Le témoin répond qu’il était simple caporal et qu’il n’a pas véritablement d’avis.
« Et vous, combien avez-vous sauvé de Tutsi? » demande maître BOURG pour tenter un dernier assaut.
« J’ai sauvé entre 50 et 100 Tutsi. J’aurais pu écrire un livre qui se serait intitulé: « Combattre seul pendant le génocide», conclut le témoin.
Monsieur MUNYEMANA se lève pour prendre la parole. Monsieur le président accepte qu’il donne une courte réaction devant les témoignages entendus ce jour: « Je rejette en bloc toutes les accusations qu’on porte contre moi. » déclare-t-il d’un ton sec.
On s’en tiendra là au soir d’une journée éprouvante. (Fin).
Alain Gauthier, président du CPCR ; Margaux MALAPEL, bénévole; et Jacques BIGOT pour la gestion du site, les notes et la présentation.