Pour ces malades, la solitude et le sentiment nostalgique envers les leurs qu’ils n’ont pas vu depuis des mois les font tourner le regard sur leur maladie et les inspirent des vers poétiques envers cette dernière : « Bacille de Koch, tu es pire. Tu m’as dérobé ma beauté, qui faisait tourner tous les regards, et tu me ronges le corps… » Déclamait une tuberculeuse à Kabutare.
Aujourd’hui, selon le Fond Mondial Europe, la tuberculose en général tue, chaque année presque deux millions de personne et génère presque 10 millions de nouveaux cas dont 5% sont des cas de la tuberculose multi résistante. Les chiffres, tels qu’ici démontrés, font de la maladie, pourtant curable, la plus ravageuse surtout en Afrique Sub-saharienne, non seulement en terme de perte de vies humaines mais en terme de perte économique.
Mme. Spéciose Mukaperefe, qui frôle une cinquantaine, est l’un des malades qui se font soigner à Kabutare. Elle est au milieu de sa peine dans la prison de Muhima nous dit-elle. La tuberculose multi résistante qu’elle y a attrapée lui fait séjourner, aujourd’hui, à
Kabutare. « J’ai eu la toux incurable. J’ai toussé pendant un mois
Pendant des journées entières, je m’étendais sous un soleil accablant qui pourtant me faisait bien et je ne mangeais qu’avec un inimaginable effort. Enfin je suis allé à l’Hôpital où on a procédé au prélèvement du crachat pour me revenir avec des résultats que j’avais attrapé la tuberculose et que je devais en être hospitalisée, » dit-elle. Après trois mois d’hospitalisation et de traitement médical de sa maladie au CHUK, le deuxième prélèvement a encore témoigné de la présence du bacille de koch et sa tuberculose était donc multi résistante. Et elle fut transférée à Kabutare.
Pour deux de ses colocataires, Foide Uwizeye et Jacqueline Nyiramucyo, le cas est le toujours le même. Ils croient tous avoir commencé par attraper la tuberculose ordinaire et avoir abouti ensuite à la multi résistante. Et pourtant ils avaient respecté la prise des médicaments anti-tuberculeux sous une absoluité de discipline. Mais comme l’explique Mme Francine Byukusenge Chef de Service de Prise en Charge de la Tuberculose Multi Résistante à l’Hôpital de Kabutare, « la tuberculose multi résistante n’est diagnostiqué qu’après avoir fait ce que l’on appelle le test de sensibilité, » ce qui apparemment est un
test beaucoup plus approfondi. « Il est très fréquent de diagnostiquer la tuberculose ordinaire, et de s’apercevoir plus tard qu’il s’agissait de la multi résistante, » éclaircit-t-elle.
La Chargée du service de prise en charge de cette maladie à Kabutare tient à nous informer tout le monde sur les moyens par lesquels le bacille de koch peut être transmis : « En toussant, en éternuant ou tout simplement en respirant, les tuberculeux émettent dans l’air des microbes que peuvent enfin recevoir d’autres personnes et en être infectées, » dit-elle. Elle tient à ajouter aussi que quelques aspects de l’ancienne culture rwandaise étaient de bons véhicules du bacille, « notamment le partage du vin de banane sur un même chalumeau ou le partage de la pipe, » ajoute-t-elle.
Elle précise cependant que le risque d’être contaminé est beaucoup plus élevé chez certains groupes que chez d’autres. Ainsi comptent parmi les vulnérables à cette maladie les personnes dont le système immunitaire s’est affaibli suite à leur condition physique. « Les enfants en dessous de 5 ans, les personnes très vieilles, les femmes enceintes et les personnes vivant avec le VIH/Sida sont les éléments de ces groupes vulnérables, ainsi leur protection doit s’avérer plus efficace que celle des autres personnes, » dit elle.
Mais aussi, elle ajoute qu’il y a d’autres catégories de personnes qui attraperaient plus vite la maladie sans qu’ils soient nécessairement des personnes vulnérables : « Dans des prisons ou dans des écoles internes la population est dense et souvent il n’y a pas de système parfait d’aération. La bacille reste concentrée dans une seule buée d’air respirée à mainte reprise par tout le monde, » explique-t-elle.
Ceci explique peut-être la présence de Mme Mukaperefe à Kabutare, elle qui serait en prison de Muhima aujourd’hui. Cette femme est bien au courant d’où elle a puisé la maladie. « En prison, il y avait beaucoup de tuberculeux. Moi j’étais secouriste. Je m’occupais souvent d’eux, c’est moi qui les apportais à manger et qui leur baignais et leur
faisais la lessive, » dit elle en ajoutant qu’il n’ y avait aucun dispositif de protection ni pour elle qui les approchait tant, ni pour les autres dans la geôle.
L’économie y deviendrait boitant
La tuberculose multi résistante est une maladie trop chère pour la plupart de ceux qui portent son bacille au Rwanda. Aucun des malades en isolement à Kabutare n’est à mesure de se payer les frais de médicaments ni ceux de leur prise en charge.
Pour les médicaments qui incluent des injections et d’autres forts antibiotiques que le malade doit prendre sur le cours de 20mois, « le coût s’élève à plus d’un million et six cents milles francs rwandais pour un seul malade, » nous dit Mme Byukusenge.
En plus de ces médicaments qui leur sont donnés, il y a aussi la prise en charge qui n’a pas le moindre coût au temps où les prix montent sur le marché des vivres. Mme Byukusenge précise que « chaque malade ne consomme pas moins de 3500 francs rwandais par jour. » Imaginez la somme qui sera consommée, après six mois d’isolement, par plus d’une vingtaine de malades.
Foide Uwizeye, l’un des malades en isolement, nous fait le point sur son alimentation pendant la journée : « Le petit déjeuner pendant le matin, une grande coupe de lait frais à dix heures, un dîner complet à midi, une autre coupe de lait à seize heures et un souper encore complet pour tout boucler, » dit il enchanté.
Et pourtant…
La tuberculose, qu’elle soit ordinaire ou multi résistante, est une maladie curable à 100%. Toutes ces économies, comme le dit Mme Byukusenge, peuvent être utilisées pour construire le développement du pays si seulement la communauté rwandaise changeait son comportement à l’égard de cette maladie. « Il faut que tous les gens apprennent à
soupçonner une toux allant de deux semaines à une période élevée et d’aller voir le médecin au plus vite possible, » exhorte-t-elle. Elle tient également à préciser que les diagnostics se font gratuitement au niveau des hôpitaux.
Mme Byukusenge pense que les Agents Communautaire de Santé peuvent jouer un rôle capital afin d’aider leurs communautés à détecter les tuberculeux et de les acheminer vers les hôpitaux afin de subir des traitements dus. Elle souligne également qu’un tuberculeux multi résistant transmet le bacille résistant aux médicaments de la première catégorie de la maladie, c’est-à-dire la tuberculose ordinaire.
En tant qu’un agent de santé, Mme Byukusenge prodigue ses conseils à trois niveaux : A toutes les personnes, elle prêche de se méfier de certaines coutumes comme par exemple le partage du chalumeau et de la pipe, des gestes qui autre fois témoignaient de la vraie amitié. « Nous devons garder notre culture mais nous devons la dépourvoir de certaines aspects négatifs, » constate-t-elle. Ensuite pour les médecins, les infirmiers, les pharmaciens ainsi que d’autres personnes chargées du suivi des tuberculeux de bien prendre soin d’eux.
Et enfin aux malades eux même de bien prendre les médicaments suivant les consignes des médecins. « Pour un traitement qui dure vingt mois, des patients souvent suspendent la cure après 3 ou 4 mois, quand ils observent la disparition des symptômes de leur maladie, » se désole Mme Byukusenge tout en insistant sur le fait que la disparition des symptômes ne signifie pas l’élimination du bacille dans le corps.
Tous les rwandais en général devraient savoir que la tuberculose multi résistante est un danger réel et que la combattre nécessite tout simplement un éveil des consciences et un changement de comportement. « Un Rwanda sans tuberculose est bien possible, » conclut Mme Byukusenge.