Procès pour génocide de Rwamucyo à Paris, vendredi 18 octobre 2024. J14

•           Audition de Joseph RWANDANGA, aurait participé au massacre de l’église de NYUMBA.

•           Audition de Thomas NYAMWIGENDAHO, aurait participé au massacre de l’église de NYUMBA.

•           Audition de Jean-Damascène RUZIBIZA, aurait participé au massacre de l’église de NYUMBA.

•           Audition de Michel MURENZI, prêtre.

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Audition de monsieur Joseph RWANDANGA, aurait participé au massacre de l’église de NYUMBA. Cité à la demande du ministère public.

Monsieur Joseph RWANDANGA a été condamné à dix années de prison pour génocide par un tribunal gacaca. Il vivait alors à GISHAMVU, dans la localité de Gasyankindi (à 800m environ de l’église de Nyumba). Il a plaidé coupable de sa participation aux crimes commis à l’église de NYUMBA. Il a été gracié du fait de son âge. Il est aujourd’hui âgé de 91 ans. Agriculteur, il a exercé avant le génocide le rôle de conseiller de secteur, et appartenait au MRND.

Il est d’abord interrogé par monsieur le président LAVERGNE au sujet des relations entre Tutsi et Hutu à GISHAMVU avant le génocide. Le témoin explique que ce sont les autorités qui ont « sensibilisé » les habitants hutu à la manière à laquelle il convient de considérer les Tutsi, des « mauvaises personnes », des « inyenzi » (« cafards », « cancrelats ») et des ennemis. Des réunions à GISHAMVU ont eu lieu pour expliquer à la population hutu ce qu’elle devait faire, que ce soit la manière de s’accaparer des biens des Tutsi ou les méthodes de mise à mort. La population a été récompensée par la redistribution de terres appartenant aux Tutsi. Selon monsieur RWANDANGA, les autorités ont donné l’ordre de les tuer, et de les chasser pour s’accaparer de leurs biens. Ces instructions ont été données par le bourgmestre de GISHAMVU, Pascal KAMBANDA, et un conseiller de cellule. Il dit que les Tutsi de « bas niveau », qui vivent de l’agriculture, n’ont pas été visés immédiatement, mais l’ont été « quand les choses ont pris de l’ampleur ».

Le témoin dit connaître le parti de la CDR, qui aurait été le parti des « Hutu purs sangs ». À ce titre, il relaie le stéréotype selon lequel le « vrai Hutu » est « celui dont les narines sont suffisamment larges pour laisser entrer deux doigts ».

Monsieur RWANDANGA dit avoir participé à l’attaque de la paroisse de Nyumba, armé d’un arc et de trois flèches. D’autres utilisent des armes traditionnelles, des pierres et des bâtons. Les policiers de GISHAMVU et ceux appelés en renfort de KIGEMBE utilisent des armes à feu et des grenades. Les Tutsi dans l’école et l’église de NYUMBA sont, selon le témoin, des réfugiés de KIBEHO et NYARUGURU. Les attaques auraient duré deux semaines. Après celles-ci, il ne « restait que des ruines », c’était une scène de « désolation » et la maison des prêtres avait été pillée. L’ampleur du massacre a été telle que pour le témoin, ce n’était « plus une question de vie ». Quelques enfants auraient malgré tout survécu.

Sur l’enfouissement des corps, il n’y a pas participé car il était malade durant un mois. Il dit avoir vu la machine – le Caterpillar – en allant vers l’hôpital, pour se faire soigner. Il décrit le conducteur comme un « jeune homme avec une forte corpulence » (NR. C’est très probablement monsieur BIRASA, qui a témoigné la veille). Il a vu l’engin creuser une fosse entre l’école et l’église et démolir une maisonnette, l’écraser et l’ensevelir. Il rapporte qu’a été demandé à la population, environ deux semaines après les massacres (car on aurait eu peur que les cadavres pourrissent) de participer à l’ensevelissement des corps.

Une question de Me TAPI permettra de faire un parallèle avec ce qu’avait déjà connu le témoin en 1959 à GISHAMVU. D’autres interrogations permettront à monsieur RWANDANGA de préciser qu’il a vu des Tutsi jetés vivants dans une fosse située dans sa localité, à GASYANKINDI. Il considère que la manière dont les corps ont été enfouis est choquante. Il ne s’est pas rendu sur les lieux du massacre au grand séminaire de NYAKIBANDA.

La défense interroge monsieur RWANDANGA au sujet du Caterpillar. Le témoin déclare qu’on lui a dit que l’engin était à RWAMUCYO. Il précise que les instructions étaient données au chauffeur par le conseiller de secteur Célestin KUBWIMANA, dit ‘CYOMA’. Me MATHE se lance dans une (très longue) lecture d’un rapport d’African Rights visant à reconstituer la chronologie du génocide à GISHAMVU, et plus particulièrement à la paroisse de NYUMBA (heureusement que ses questions devaient être « courtes » et « simples » !). Après avoir été assommé par cette lecture, le témoin considère que le rapport est véridique. Si ce document rapporte la présence de prisonniers de KARUBANDA pour participer aux ensevelissements, le témoin ne peut cependant pas le confirmer.

Audition de monsieur Thomas NYAMWIGENDAHO, aurait participé au massacre de l’église de Nyumba, cité à la demande du ministère public, en visioconférence du Rwanda.

Monsieur NYAMWIGENDAHO a été condamné à douze ans et six mois de prison pour génocide, et plus précisément pour sa participation au massacre de la paroisse de NYUMBA.

Il évoque des réunions tenues par plusieurs dirigeants, comme Pascal KAMBANDA, (bourgmestre de GISHAMVU), Célestin BUGEMANA, conseiller de secteur, et le sous-préfet SIMBALIKURE.

Il estime à 300 le nombre d’assaillants de la paroisse de NYUMBA. Les assaillants viendraient de trois communes : KIGEMBE, GISHAMVU et NYAKIZU. Il affirme n’avoir tué personne. Il était seulement armé d’un bâton et a fait acte de présence, car il y avait trop d’assaillants.

Concernant l’enfouissement, il affirme avoir observé de loin le Caterpillar travailler, à savoir creuser une fosse devant l’école primaire de NYUMBA. L’engin a également détruit une partie de l’école où se trouvaient de nombreux cadavres, les ensevelissant du même coup. Il a vu la machine « renverser les corps » mais n’a pas vu l’enfouissement à proprement parler. Il revient ainsi sur son interrogatoire de 2017, où il disait avoir assisté à l’enfouissement dans plusieurs fosses. Le témoin soutient ne pas avoir participé aux ensevelissements, mais aurait participé bien plus tard aux enterrements en dignité.

Ces affirmations rendent difficile la suite de son audition.

Une question de Me BERNARDINI, avocat des parties civiles, permet d’établir que le mémorial de NYUMBA est situé à l’emplacement d’un second fossé entre l’école et l’église de NYUMBA.

L’avocate générale, Me PETRE, lui demande s’il connaissait des gens réfugiés dans l’église. Monsieur Nyamwigendaho répond que des voisins s’y trouvaient. L’audition se conclut sur ces précisions, la défense n’ayant pas de question.

Audition de monsieur Jean-Damascène RUZIBIZA, aurait participé au massacre de l’église de Nyumba, cité à la demande du ministère public, en visioconférence du Rwanda.

Condamné pour génocide à 12 ans de prison et 4 ans de TIG pour avoir plaidé coupable (Travail d’Intérêt Général), le témoin commence sa déclaration spontanée. « Il y a eu un génocide à GISHAMVU. Des gens sont morts, tués par des Hutu en 1994. Entre le 18 et le 20 avril, il y a eu des opérations d’enterrement: un Caterpillar de l’UNR est arrivé ainsi qu’une benne dans laquelle on chargeait les cadavres de l’église pour les jeter dans les fosses creusées par cet engin. Le Caterpillar a creusé des tranchées sur le terrain de l’école: c’est à cet endroit qu’on a jeté les corps et qu’on les a recouverts de terre. Des corps avaient été déposés dans une classe que le conducteur du Caterpillar a détruite. Il y avait des corps partout: dans l’église, dans l’école, le presbytère. »

Sur question de monsieur le président, le témoin dit qu’il travaillait pour un Projet de Développement Global de BUTARE. Il s’occupait du magasin d’outils: brouettes, pioches, engrais, nourriture pour le bétail, médicaments pour les animaux. Pendant 8 ans, il avait été « encadreur de la jeunesse » puis avait travaillé comme agent recenseur de la commune (état civil). Il établissait des fiches individuelles pour chacun des habitants de la commune. Il sera amené à préciser que ces fiches n’ont pas servi pour établir des listes pendant le génocide.

Avant le génocide, comme d’autres témoins ont eu l’occasion de le dire, il régnait une bonne entente dans la commune. Puis un mauvais climat s’est installé quand le FPR est rentré dans le pays. Les massacres ont commencé à GIKONGORO d’où on a vu affluer de nombreux réfugiés à l’église et à l’école. Les tueurs ont alors encerclé les bâtiments. Même après les massacres, des rondes ont été organisées: « On tuait ceux qui cherchaient à fuir. » La chasse a duré longtemps, jusqu’à l’arrivée du FPR à BUTARE. C’est alors que les Hutu ont pris peur. Le témoin déclare être parti vers GIKONGORO, puis s’est rendu au BURUNDI et enfin au ZAÏRE.  Il ne reviendra qu’en 1997 et sera arrêté. Quant aux massacres à KIBEHO et à CYAHINDA, ils avançaient commencé vers le 10 avril, d’où un afflux de réfugiés.

Jean KAMBANDA, le premier ministre, originaire de la commune, était venu pour faire forger des machettes, des flèches, juste avant le génocide. Le président SINDIKUBWABO est venu aussi et trois jours après le génocide commençait.

Si le témoin est bien au courant des massacres à NYAKIBANDA, il est resté à NYUMBA pendant les trois jours qu’auraient duré les massacres. Après l’intervention des hommes armés, les habitants sont entrés dans l’église pour achever le travail. Beaucoup de morts jonchaient le sol et les premiers à procéder à l’ensevelissement des corps seront payés par les autorités. Très rapidement, il sera fait appel au Caterpillar. Le témoin dit n’avoir pas vu de survivants mais ceux qui les achevaient s’en vantaient. Il n’a pas vu non plus d’homme en blouse blanche, comme certains témoins entendus lors de l’instruction avaient pu le dire. C’est en recevant sa citation à comparaître qu’il a entendu parler de RWAMUCYO pour la première fois. Si certains ont tué de leur propre chef, d’autres auraient reçu des consignes. Le témoin avoue avoir tué une seule personne, son voisin Laurent MUGANGA.

Après le génocide, les Hutu ont récupéré les terres des Tutsi: en échange, ils devaient payer la somme de 30 000 francs rwandais.

Maître MATHE s’étonne que le témoin ait fait 12 ans de prison pour rien, sans avoir été jugé. Ce qui n’est pas le cas, le témoin précisant qu’il a été condamné à 24 ans mais qu’il en a fait 12.

Audition de monsieur Michel MURENZI, prêtre, cité par le ministère public, en visioconférence d’Italie.

Le témoin, actuellement prêtre en Italie, déclare qu’il connaissait Eugène RWMUCYO avant le génocide. Au grand séminaire de NYAKIBANDA, ils fréquentaient la même classe. En 1979/1980. Au grand séminaire, le témoin n’a jamais connu de discrimination en Hutu et Tutsi. L’accusé a quitté le séminaire à la fin de la première année: le témoin n’en connaît pas les raisons. Ce n’est qu’en 1994 qu’ils s’apercevront, à BUTARE. L’abbé MURENZI était professeur à NYAKIBANDA depuis 1991 où il enseignait les Sciences bibliques. Le recteur était Augustin MISAGO qui, en 1994, était évêque de GIKONGORO. C’est Anastase MUTABAZI qui le remplacera. Juvénal RUTUMBU est le vice-recteur (NDR. Ce prêtre est actuellement en France depuis plus de 20 ans, dans l’Essonne, après avoir travaillé à METZ).

Au grand séminaire, les étudiants sont partis en vacances. Le père MURENZI se trouve seul avec un autre professeur, Maradje MBONYITEGE. Un autre prêtre, l’abbé RUSINDIZADEKWE avait rejoint sa famille à KIBEHO.

Sur question du président, le témoin ose déclarer qu’il ne sait pas qui a tué qui à KIBEHO. Il a quand même entendu dire que ce sont en grande majorité des Tutsi qui ont été tués dans cette église. Il est bien allé à KIBEHO, mais pas à la paroisse: il ne connaît pas le curé!

Le père MURENZI déclare être resté à NYAKIBANDA pendant toute la durée du génocide au grand séminaire: il s’est absenté une semaine pour accompagner son confrère, menacé de mort, à l’évêché où il aura l’occasion de rencontrer l’évêque, monseigneur Jean-Baptiste GAHAMANYI. Au grand séminaire, le témoin surveille des travaux et s’occupe de questions administratives (NDR. Pendant ce temps, tout près de là, de nombreux Tutsi se font massacrer!)

Régulièrement, le témoin dit s’être rendu auprès des réfugiés de l’IGA, soit pour les confesser, soit pour les encourager et leur prodiguer des conseils. Il leur assurait un repas par jour. Le prêtre disait la messe mais aucun réfugié ne venait y participer.

Des barrières, Oui, on y vérifiait les cartes nationales d’identité, on cherchait à savoir si les gens transportaient des armes. Bizarrement, le prêtre dit ne pas savoir si le fait  de posséder une carte d’identité avec la mention Tutsi posait des problèmes à son détenteur. Il l’a entendu dire mais n’en a jamais été témoin. Il paraît que les Tutsi étaient emmenés pour un interrogatoire. Il ne sait pas quel était leur sort. (NDR. Il est quand même des propos difficiles à entendre dans la bouche d’un prêtre.)

C’est la peur qui oblige le témoin à ne pas trop sortir, peur de prendre une balle perdue. Il s’était réfugié au petit séminaire de KARUBANDA. À BUTARE, il entendait des coups de feu mais il ne savait pas sur qui on tirait. Tout le monde avait peur: ils tuaient les Hutu et les Tutsi, lui-même étant Hutu.  Il ne retournera à NYAKIBANDA que le 27 avril, l’évêque lui ayant donné la compagnie d’un militaire pour le conduire.

De sa voix grave, assurée, l’abbé MURENZI continue à répondre aux questions du président, toujours des réponses courtes. Les Interahamwe? Il ne les connaît pas. Quant à l’abbé Thaddée, il sait qu’il a été mis en prison, mais il ne sait pas pourquoi. Depuis, il a perdu sa trace.

Le 27 avril, à son retour de BUTARE, beaucoup de réfugiés ont été tués à l’IGA. La scène qu’il découvre était « choquante» : des cadavres entassés en décomposition l’empêchaient de parler. Difficile pour lui de chercher à savoir ce qui s’était passé car «  beaucoup de gens déchaînés tuaient tout le monde. » Il n’y avait pas de corps sur la route, les voitures continuaient à passer, en particulier les commerçants qui se rendaient à BUTARE pour vendre des denrées alimentaires.

A l’IGA, il n’ a pas remarqué de problèmes de santé. Les gens avaient été tués à la machette, déchiquetés par des grenades, suppose-t-il. Par contre, il n’a reconnu aucun tueur. Il rencontre le bourgmestre qui ne lui dit rien de particulier mais qui parle toutefois de « réfugiés en armes qui avaient provoqué la guerre » (sic). Le président s’étonne: « Ce sont les réfugiés qui ont agressé la population de GISHAMVU? » C’est ce que le bourgmestre lui aurait dit. Le prêtre, toujours sur questions de monsieur le président, rapporte qu’il n’a pas vu de survivants. A cause des odeurs difficiles à supporter, on a fait venir le service sanitaire de BUTARE pour creuser des fosses communes. Mais il n’est pas sorti, il n’a rencontré personne, il entendait simplement le bruit du bulldozer.

L’abbé MURENZI est monté sur un mur et c’est de là qu’il a aperçu le bulldozer qui creusait près du Centre de l’IGA, là où il y avait un terrain libre. Il a bien rencontré le conducteur qui disait avoir « une peine énorme » . Le Service de Santé publique l’assistait, en collaboration avec la Croix Rouge. Un matin, il a vu RWAMUCYO qui l’a salué et qui lui a dit qu’il était passé voir. Le témoin ne peut pas dire combien de temps il est resté: en tout cas, il n’a pas passé la nuit à NYAKIBANDA. Il ne l’avait pas invité à rentrer. l’abbé l’a rencontré devant le séminaire d’où il était sorti « pour prendre l’air« . Il n’était pas allé voir les cadavres car il avait peur d’être tué. Vers la fin de sa déposition, l’abbé MURENZI que lorsqu’il est sorti « prendre l’air » il a éprouvé un sentiment de tristesse, qu’il a même souvent pleuré! L’odeur était insupportable, comme l’avait dit RWAMUCYO, ça lui faisait mal au cœur.

« Des survivants? » insiste monsieur le président. Il se souvient qu’on lui a amené une jeune fille retrouvée au milieu des cadavres mais le temps d’aller lui chercher du lait, les tueurs l’avaient emmenée et tuée. En confrontation, il avait dit qu’à son retour au grand séminaire, il avait vu des « moribonds » Le prêtre répond: « C’est une déduction que j’avais faite. J’ai imaginé qu’il pouvait y avoir des survivants. » Il confirme toutefois que personne ne s’est occupé des survivants.

Emmanuel BIRASA dormait au séminaire mais le témoin ne se souvient pas s’il assistait à la messe quotidienne. Quant à RWAMUCYO, il ne l’aurait vu qu’une fois, peut-être deux. « Je l’ai peu vu et j’ai imaginé qu’il travaillait sur d’autres sites. » ajoute-t-il. Quand il avait parlé du médecin avec l’évêque de BUTARE (NDR. Monseigneur GAHAMANYI), ce dernier lui avait dit que l’accusé était « un bon médecin » . Il avait des contacts téléphoniques avec ce dernier, notamment après l’enfouissement des corps, pour lui faire un rapport de sa vie au séminaire.

RWAMUCYO? C’était le directeur qui coordonnait le service. On était dans une exception mais ça ne changeait pas sa lettre de mission. L’abbé MURENZI ne l’a pas vu donner des instructions au chauffeur de l’engin. C’est pourtant ce qu’il avait affirmé en confrontation. Problème d’une mémoire défaillante, probablement!

Monsieur le président insiste: « S’agissait-il du génocide des Tutsi ou pas » ?

Le prêtre:  «  Je n’ai pas compris tout de suite que c’était un génocide. J’ai réalisé quand « ils », l’ONU, ont utilisé ce terme. Bien avant le TPIR. Quand un groupe est éliminé pour ce qu’il est, c’est bien un génocide. Je suis parti quand j’ai eu peur de l’arrivée du FPR, j’avais surtout peur de la mort. J’ai vu les confrères de mon évêque se faire tuer à KABGAYI.  (NDR. Maître MATHE reviendra sur cet événement lors de son intervention. Le 5 juin, trois évêques (dont l’archevêque de Kigali) et plusieurs prêtres ont été tués par leurs gardiens du FPR qui les croyaient responsables de l’extermination des leurs. Ils seront jugés et condamnés en 2008 par une Cour militaire.)

Après l’arrivée du FPR, l’abbé MURENZI partira à GIKONGORO puis au ZAÏRE où il restera quelques mois avant de rejoindre l’Italie. Depuis, il n’est jamais retourné au Rwanda. Pour lui, c’était la meilleure solution « pour être tranquille » Expression qui surprend le président et qui l’incite à poursuivre sur un ton grave: 

« Pendant le génocide, mon père, vous n’avez pas été un grand témoin d’amour évangélique! Vous avez des regrets? »

Michel MURENZI:  «  Pas de regrets. Le bien, je l’ai fait. Je n’avais pas une vocation de martyr. Ma conscience n’est pas tout-à-fait tranquille. La peur m’empêchait de dormir. Je n’ai rien à rejeter. Merci. »

Sur question d’un juré, l’abbé MURENZI déclare qu’il est désolé qu’on n’ait pas pu identifier les corps, qu’il n’y ait pas eu de cérémonie religieuse digne. Il a toutefois prié pour les victimes pendant la messe, il en a confessé quelques-unes! «  J’ai prié pour ces pauvres personnes tuées injustement. Avec l’abbé Thaddée, on concélébrait. »

Monsieur le président lui fait remarquer que des prêtres, des religieuses ont été jugé(e)s!

« Je le sais. Ce n’est pas mon rôle de juger? Cela m’interpelle s’ils ont trahi leur mission. Je me suis interrogé mais je n’ai pas trouvé de réponse. C’est le tribunal qui a les preuves. Ça me fait mal de voir que quelqu’un a trahi l’enseignement qu’on donnait aux autres. Je suis prêtre, responsable de plusieurs paroisses. Je suis pasteur, je fais mon possible pour aider les gens. »

Toujours sur question de monsieur le président, le témoin dit ne pas avoir compris ce qui se passait à BUTARE lors de son séjour, il entendait les bombes et les balles. Quant au discours de SINDIKUBWABO et la mort du préfet Jean-Baptiste HABYARIMANA, il est bien le seul à n’en avoir pas entendu parler. Et d’ajouter que c’est le tribunal qui a le rôle de dire si RWAMUCYO est coupable.

A maître BERNARDINI qui s’étonne que le témoin ait choisi de s’exprimer en italien: « J’habite en Italie et je parle assez bien la langue de ce pays. » (NDR. Il parle aussi très bien Français!)

Sur question de l’avocat général, l’abbé dit qu’il se rendait auprès des réfugiés de l’IGA pour en confesser certains, pour les réconforter. Il y passait parfois trois ou quatre heures.

Maître MATHE donnera au témoin l’occasion d’ajouter quelques mots. Elle essaie de comprendre pourquoi, par exemple, il a dit ne pas connaître les Interahamwe. Et de terminer:  «  Vous ne souhaitez plus évoquer cette période?

« C’est impossible d’oublier. Ce n’est pas ma volonté. »

Monsieur le président suspend l’audience. Il est 19h30. Rendez-vous est donné à lundi, 9h30.(A suivre…) 

Par Alain GAUTHIER, président du CPCR ; Jules COSQUERIC, bénévole ; et Jacques BIGOT, pour les notes et la mise en page