La porte-parole du gouvernement rwandais Yolande Makolo
La porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, a condamné le discours incendiaire du Ministre congolais de la Justice, Constant Mutamba, à la suite d’une vidéo devenue virale dans laquelle il incite les prisonniers à s’en prendre aux autorités rwandaises et aux Tutsis congolais les accusant d’être des “ennemis, des étrangers”.
S’adressant aux détenus à la prison de Munzenze à Goma non loin de la frontière rwandaise, on voit le Ministre Constant Mutamba inciter les détenus à s’en prendre au Président rwandais Paul Kagame et aux Tutsis congolais, – qu’il qualifie fréquemment de Rwandais -, tout en appelant à des violentes génocidaires contre eux et contre ceux qui sont associés au Rwanda.
“Sachez que nous les attraperons tous et que nous allons arrêter Kagame en personne”, dit l’homme d’Etat congolais qui appelle à tuer les traîtres et les complices de l’ennemi sous-entendu les Tutsi congolais que d’autres tribus congolaises, – sur incitation du régime au pouvoir à Kinshasa-, accusent de sympathie pour les rebelles du M23 et considèrent comme des Rwandais qui doivent retourner de gré ou de force dans leur pays.
“Tous les prisonniers manipulés par le Rwanda et Kagame, nous allons les traquer et les envoyer à la prison militaire d’Angenga [dans la province de la Mongala au nord de la RDC, ndlr]. Est-ce que vous comprenez ? Notre pays ne doit pas être dominé par les Rwandais. Sachez que nous les attraperons tous et que nous allons arrêter Kagame en personne. Et vous qui êtes en contact avec les Rwandais et Kagame, sachez que nous allons tous vous sortir d’ici et vous transférer à Angenga. C’est la terre de nos ancêtres. Nous n’allons pas accepter que l’ennemi vienne prendre la terre de nos ancêtres. Le Chef de l’Etat ne va pas accepter que notre pays soit dominé, occupé par les Rwandais. Par les RDF(Rwanda Defense Forces, nom de l’armée rwandaise. Ndlr). N’est-ce pas ? C’est votre terre, la terre de vos ancêtres, la terre de nos ancêtres”, dit-il dans la vidéo en Swahili, l’une des quatre langues nationales de la RDC.
On l’entend aussi promettre de libérer les prisonniers qui aident à désigner des “traîtres” et des “étrangers” qui seront ensuite “arrêtés et tués”.
“Est-ce que vous êtes contents des conditions dans lesquelles vous êtes. Certains ici sont des innocents mais ils sont confondus avec ces gens qui acceptent la corruption, la trahison aux fins de travailler pour Kagame[….]. C’est pour cela que vous nous mettez dans des difficultés de vous libérer parce que nous libérons les gens à Makala[prison centrale de Kinshasa, ndlr]. Parce que vous ne voulez pas dénoncer ces gens qui sont manipulés à partir du Rwanda. Sachez que l’ennemi du peuple congolais c’est Kagame. Vous devez faire attention. Si vous nous facilitez la tâche, c’est ce qui va nous permettre de libérer les innocents qui sont ici. Il faut maintenant vous mobiliser et dénoncer. Si vous avez une information, il faut la donner. Et si vous les dénoncez, vous recevrez une récompense, et nous vous libérerons de cette prison. Je vous libérerai personnellement d’ici”, ajoute-t-il.
“Tous ceux qui dénoncent à Makala, à Ndolo [les deux prisons se trouvent à Kinshasa, la capitale, ndlr], je les libère tous parce qu’ils sont en train d’aider le pays à identifier les traîtres. Il faut tuer les traîtres. Nous allons les traquer jusqu’au bout. Et nous allons récupérer Rutshuru, tout Masisi, nous allons récupérer tous nos territoires occupés par les Rwandais. Comme les ennemis sont ici, il faut un travail de titan et qui est en train d’être fait déjà. [….]”, a-t-il poursuivi.
Réagissant à ces propos incitatifs au génocide, la porte-parole du gouvernement rwandais les a qualifiés de “provocation extrême” de la part du ministre, affirmant que ces propos alimentent le conflit en cours entre le M23 et la coalition gouvernementale qui compte dans ses rangs les FDLR, les génocidaires hutu de 1994 au Rwanda.
“Provocation extrême de la part du ministre de la Justice de la RDC dans une prison de Goma, à quelques kilomètres de la frontière avec le Rwanda. Devons-nous maintenant nous attendre à des criminels et des prisonniers dans le mélange mortel de FDLR, Wazalendo, de mercenaires européens et de SAMIM qui combattent pour les FARDC ?”, a réagi Yolande Makolo sur X.
Les rebelles du M23 accusent le gouvernement de la RDC de persécuter les Tutsis congolais, ce qui a provoqué des tensions dans la partie orientale de la RDC, près de la frontière avec le Rwanda.
Le Rwanda a mis en place des mécanismes de défense pour se protéger contre les miliciens extrémistes hutu FDLR, composée des restes des auteurs du génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda, qui cherchent à reconquérir le pourvoir au Rwanda depuis la RDC où ils sont basés en vue de parachever le génocide.
Les FDLR ont été accusées de collaborer avec le gouvernement congolais pour cibler les Tutsis congolais dans le pays, dont beaucoup ont cherché refuge au Rwanda.
Des efforts pour résoudre la crise en RDC ont été déployés dans le cadre des processus de paix de Luanda et de Nairobi. Cependant, alors que le processus de paix de Luanda entre la RDC et le Rwanda visait à apaiser les tensions, le gouvernement congolais a été critiqué, en particulier par le Rwanda, pour son manque d’engagement envers les résolutions et les accords visant à mettre fin au conflit. (Fin)