Vital Kamerhe lors de la première audience de son procès à Makala, la prison centrale de Kinshasa, le 11 mai 2020.
By Ida Sawyer *
Kigali: Le moment était exceptionnel, jamais vu dans l’histoire de la République démocratique du Congo et pourtant, pendant que le juge rendait son verdict le 20 juin, Vital Kamerhe a eu un sourire moqueur. À travers le pays et dans le monde entier, les Congolais suivaient l’audience en direct sur leur écran. Kamerhe, directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, l’une des figures politiques les plus puissantes de l’histoire récente de la RD Congo et ex-allié de l’ancien président Joseph Kabila, a été reconnu coupable de détournement de fonds et de corruption aggravée. Il est ainsi devenu l’homme politique le plus important de la RD Congo à avoir été poursuivi pour corruption.
Kamerhe a été condamné à 20 ans de travaux forcés – commués en peine de prison en RD Congo – et encourt plusieurs millions de dollars d’amendes pour avoir participé au siphonage de plus de 50 millions de dollars de fonds publics alloués à des projets d’infrastructure. Il a aussi été déclaré inéligible à toute forme de mandat politique pour les 30 prochaines années.
Ce procès a marqué une étape importante dans la lutte contre la corruption. Tout au long de la procédure, les Congolais n’ont cessé de dénoncer sur les réseaux sociaux un système rongé depuis des décennies par une corruption rampante, rappelant aux autorités que le détournement de fonds publics n’est pas l’affaire d’une seule figure politique. D’autres personnalités impliquées dans des affaires de corruption ces dernières années devraient également faire l’objet d’enquêtes et de poursuites adaptées dans le cadre de procès équitables, quelle que soit leur position ou leur appartenance politique. Si aucune autre enquête n’est lancée, l’«affaire Kamerhe» risque de rester dans les mémoires comme un simple règlement de comptes entre rivaux politiques.
Les avocats de Kamerhe et de ses coaccusés – un homme d’affaires libanais et un autre collaborateur du président – ont fait part de leur intention de faire appel.
Le procès a démontré combien l’enquête a laissé bon nombre de questions sans réponses et que plusieurs témoins importants, eux aussi impliqués dans des infractions, ont pu s’en tirer sans être inquiétés.
Encore plus inquiétant, le juge qui présidait initialement le procès, Raphaël Yanyi, est décédé le 27 mai dans des circonstances douteuses. Les autorités ont d’abord affirmé qu’il était mort de causes naturelles. Mais le 16 juin, le ministre congolais de la Justice a annoncé que Yanyi était mort d’une hémorragie cérébrale due à un traumatisme crânien. Le gouvernement a depuis ouvert une enquête pour meurtre.
En RD Congo, le désir d’état de droit est manifeste. Pour y parvenir, les Congolais auront besoin d’être rassurés sur le fait que cette affaire n’était pas un procès purement politique. De nombreuses victimes et familles attendent également que justice soit rendue pour des crimes et des violations des droits commis par des responsables de l’administration précédente, dont certains sont encore en fonction. Personne ne devrait pouvoir se sentir intouchable. (Fin).
* Ida Sawyer est Directrice adjointe, division Afrique, de Human Rights Watch