« Les relations sexuelles entre des jeunes filles et des hommes d’âge mûr [papas gâteaux], et des jeunes garçons et des femmes d’âge mûr [mamans gâteaux] – souvent en échange de présents ou d’argent – sont particulièrement fréquentes au Rwanda », a expliqué Claire Bisamaza, secrétaire permanente du ministère de la Jeunesse, qui dirige la campagne.
Depuis la fin du mois de mai, 85 panneaux d’affichage bien visibles répartis dans tout le pays rappellent aux jeunes qu’ils ont le droit de refuser les avances des papas gâteaux (« Shuga Dadis ») et des mamans gâteaux (« Shuga Mamis ») ; des messages diffusés par plusieurs autres biais dénoncent également les rapports sexuels entre personnes de générations différentes, qui ont été associés à la transmission du VIH et à des grossesses non planifiées.
« Il est essentiel d’agir dès aujourd’hui », a insisté Mme Bisamaza, citant une étude de surveillance des comportements de 2006 dans laquelle 12,1 pour cent des jeunes filles rwandaises ont rapporté avoir eu leur premier rapport sexuel avec un homme d’au moins dix ans leur aîné. D’après les estimations, les jeunes composent plus de la moitié de la population.
Les recherches effectuées par la Commission nationale de lutte contre le sida (CNLS) laissent suggérer que les jeunes garçons et les femmes d’âge mûr entretiennent des relations similaires. « Les discussions menées par les groupes de consultation dans l’ensemble des cinq provinces ont confirmé que les jeunes garçons sont également exposés à un risque », a affirmé le Dr Anita Asiimwe, secrétaire exécutive de la CNLS.
Si la campagne Sinigurisha cible à la fois les hommes et les femmes, ce sont cependant les jeunes femmes qui sont les plus à risque : une enquête de 2005 sur la démographie et la santé a estimé à 1,4 pour cent la prévalence du VIH chez les femmes de 15 à 24 ans, soit un taux trois fois supérieur à celui observé chez les jeunes hommes du même âge.
L’enquête révèle également que les jeunes femmes de 20 à 24 ans sont exposées à un risque de contamination cinq fois supérieur à celui des jeunes garçons du même âge, et que la prévalence du VIH chez les hommes d’âge mûr est plus importante que chez les jeunes garçons. C’est pourquoi les organisateurs de la campagne estiment que nombre des nouvelles infections par le VIH recensées chez les jeunes femmes ont pour origine des relations sexuelles intergénérationnelles.
« Certaines élèves de mon école fréquentent des papas gâteaux, qui les initient au sexe de façon très précoce », a expliqué Scoler Zaninka, lycéen à Kigali, la capitale.
Outre la pression exercée par les pairs et un environnement permissif, la campagne identifie la nécessité économique comme une cause majeure de relations sexuelles entre générations. « Lorsqu’ils ne peuvent obtenir ce qu’ils souhaitent chez eux, tel qu’un téléphone [portable], les enfants vont parfois trouver ces papas et mamans gâteaux afin de se les faire offrir », a ajouté M. Zaninka.
« Les cadeaux n’égalent pas les relations sexuelles »
A Butare, une ville située à 100 km au sud de la capitale, un panneau d’affichage placé à l’entrée du principal campus de l’université nationale du Rwanda arbore un message clé de la campagne : « les cadeaux n’égalent pas les relations sexuelles ». Les étudiants reconnaissent que certains d’entre eux sont contraints de pratiquer le sexe transactionnel afin de financer leurs études.
« Ces méthodes d’auto-financement peuvent conduire à une activité sexuelle précoce », a reconnu Patrick Tuyisenge, étudiant en dernière année de droit. « Dans une société où le sujet reste tabou, cette campagne est positive car elle explique directement aux jeunes et aux moins jeunes les dangers de tels comportements ».
Les messages de la campagne sont également diffusés sous forme de spots télévisés et radio, de publications, et lors d’événements communautaires. Par ailleurs, des bandeaux de couleur orange portés au poignet permettent aux jeunes d’avertir qu’ils ne sont pas à vendre.
Elaborée par la CNLS, et financée par le plan d’urgence pour la lutte contre le sida du président des Etats-Unis (PEPFAR), la campagne a bénéficié d’une assistance technique assurée par Population Services International (PSI) Rwanda, une société spécialisée dans le marketing social.
« Les rapports sexuels intergénérationnels ont un impact négatif sur les jeunes rwandais, que ce soit pour leur santé ou leur développement économique et social », a affirmé Mme Bisamaza.
« Les problèmes découlant de telles relations peuvent compromettre leur avenir, et ainsi entraver le développement du Rwanda. »