Prof J-F Akandji-Kombé
Parmi les participants au Symposium de Kigali de deux jours organisé du 15 au 16 Janvier 2025 par la Fondation de l’Innovation pour la Démocratie (FIDEMO) figure le Professeur Jean-François Akandji-Kombé (JFAK), originaire de la Centrafrique et enseignant à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Il s’est entretenu avec André Gakwaya de l’Agence Rwandaise d’Information (ARI) et lui a brossé l’essentiel du Forum. Lire l’entretien.
JFAK – Je suis Professeur de droit public. Je viens de reprendre la direction d’un Master qui est très important, c’est le Master des Droits Africains qui est l’un des plus vieux Master de Paris 1 et c’est la première fois qu’un Africain arrive à la direction de ce Master et c’est vraiment important. Ce n’est seulement pour dispenser les cours. Je dirige le Master et je donne également des cours dans le Master. Et pour orienter le Master. Le Symposium FIDEMO que nous avons fait ici sur la théorie du droit africain, la théorie du droit pour l’Afrique, notamment des considérations d’ordre épistémologique, de recherche, mais aussi globalement, c’est que le droit est fait pour incarner la volonté des gens qui sont gouvernés, des sociétés qui sont gouvernées et le droit est fait pour transcrire leurs réalités et les solutions qu’ils apportent à leur problème. On ne peut pas apporter la solution au problème des Africains en mettant la volonté d’autres qui sont dans d’autres continents, sur d’autres territoires. Et puis, j’ai enseigné les droits de l’homme, j’enseigne beaucoup en droit international, notamment le droit international économique ou des contrats internationaux parce que nous avons des enjeux très importants d’Africains dans les relations internationales. On signe des traités avec d’autres Etats, on signe des contrats avec des investisseurs, et il y a des enjeux capitaux là-dedans.
ARI- Sur quoi s’est focalisé cet atelier de deux jours du Symposium FIDEMO ?
JFAK – C’est un atelier de deux jours portant sur la démocratie et la réinvention de la théorie du droit. Pour le dire tout simplement, à la base de toutes les règles juridiques que nous voyons maintenant, les lois, les constitutions, les décrets, il y a bien sûr ce que je disais tout à l’heure, la volonté, et il y a aussi un travail de fond qui est fait par des juristes, des universitaires, des théories pour justifier la règle de droit et l’enjeu pour nous. C’est de mettre l’exigence d’une démocratie africaine au centre de la recherche, des chercheurs, des juristes africains, et de la pratique des juristes africains. Comment théoriser tout cela, indiquer les voies et les moyens, les obstacles aussi, les risques, et sécuriser d’une certaine manière l’avancée sur le chemin d’une africanisation de nos institutions dans la voie de la démocratie ? Et c’est ma conviction personnelle, mais qui a rejoint aussi la conviction du Symposium. C’est que la démocratie elle-même, ce qu’elle, ce qu’elle exige des sociétés, varie d’une société à l’autre. Nous sommes, nous Africains, autant attachés à la liberté que d’autres peuples. Nous ne sommes pas nés pour être esclaves. Nous africains, nous sommes attachés tout autant à la dignité humaine que d’autres. Nous sommes tout autant attachés au respect de nos droits et des droits des autres que les autres. Parce que tout ce que je suis en train d’expliquer, ce sont les bases de la démocratie. Ce sont les principes, ce sont les valeurs. Nous y sommes attachés. J’ai montré d’ailleurs lors de ce Symposium en citant un texte très ancien la charte de ce qu’on appelle le Mali maintenant de Soundiyata Keita. J’ai cité les extraits qui montraient qu’on était au 13e siècle, alors que l’Etat n’existait pas en Europe. Il y avait une constitution avec des principes que l’Europe des 3ème, 4ème siècle, 5ème siècles plus tard n’avait pas sur la participation de femmes par exemple au pouvoir, sur la participation des jeunes qui sont en âge de décider à la décision du groupe, etc… Donc, voilà ce que nous sommes venus faire. Vraiment, je suis très heureux d’avoir pu participer à ça. Il est rare que je ne dirais pas des savants, parce que c’est un gros mot, des chercheurs africains, des juristes africains de grand renom, de différents pays, de différentes disciplines, se retrouvent comme ça sur un objectif commun et échangent. Et dans nos échanges il va y avoir un livre qui va rendre compte de tout cela, mais l’essentiel est que dans nos échanges chacun a éclairé le chemin de l’autre, la réflexion de l’autre, et moi je repars avec beaucoup d’espoir.
ARI – C’est la première fois que vous venez au Rwanda ?
JFAK – C’est la première fois que je viens au Rwanda. Et j’ai été frappé par quelque chose. Ce matin avec une grande sœur, on échangeait parce que j’ai pris des photos, j’ai pris quelques vidéos de la ville, je vais envoyer … (Fin)