Le stigma qui entoure le domaine de la santé mentale au Rwanda reste le plus grand problème que font face conjointement les systèmes de prise en charge des malades et ces malades eux même. L’Organisation Mondiale de la Santé a souligné la lutte contre ce stigma comme un des points forts qui construisent le thème de la journée internationale de la santé mentale du 10 octobre 2008 et du mois réservé à la sensibilisation en matière de la sante mentale qui s’est à peine achevé le 24 octobre 2008.
« Ne me lapide pas je te ressemble, » M. Magnus Gasindikira, un malade mentale introduisait la déclamation de son poème au stade de Camps Kigali ou s’étaient déroulé des cérémonies de clôture du mois de la santé mentale au Rwanda. Au long de son poème frugal, M. Gasindikira se pleure de sa maltraitance (à l’image des autres malades) de la part de la société et de la famille. Et appelle la société à revaloriser le sort de ceux qui ont des problèmes au niveau mental.
Le rôle de la famille
« Avant d’appartenir aux services de santé, un malade mental appartient tout d’abord à sa famille, explique Madame Josée Nyetera, infirmière au sein du Service de Consultations Psycho-sociales. Je ne peux également oser de dire, ajoute-t-elle, que nous, les infirmières ou autres responsables de la santé mentale, aimons beaucoup plus ces malades que leurs propres familles. » Pour revenir au rôle de la famille, Mme Nyetera fait savoir que « La réinsertion psycho sociale des malades mentaux commence par leur réadaptation au niveau familial. » Les propos de cette infirmière font bien comprendre que les familles des malades sont les premières à les aider à se remettre et à se normaliser de nouveau dans toute la société.
Pour faire comprendre l’importance de la famille dans la gestion des maladies mentales, le Docteur Eugene Rutembesa évoque une recherche que des spécialistes de la santé mentale auraient menée en Europe au cours des années 70 sur l’une des plus graves maladies mentales : l’autisme. Cette maladie, comme le dit le Docteur Rutembesa entraine de grands retards mentaux de sorte qu’un autiste pourrait entamer ses premiers mots d’enfant à l’âge de sept ans. « Si une mère savait qu’elle mettrait au monde un enfant autiste, elle préférerait avorter car elle sait par avance qu’élever un tel enfant lui représente une croix éternelle, » le Docteur Rutembesa fait comprendre le danger de cette maladie.
Parlant alors de cette recherche, des scientifiques européens auraient cherché des familles pour adopter une partie des enfants autistes afin de les combler d’un amour et d’un équilibre familial. Ces scientifiques auraient également laissé une autre partie des autistes évoluer dans un centre psychiatrique qui s’occupait d’eux ne fusse que sur le coté médical. « Après vingt ans, ces scientifiques sont allés voir leur échantillon grandie dans les familles mais ils ne pouvaient guère la différentier des autres jeunes normaux, » le Docteur nous rend compte. Il ajoute également que l’amour et la vie de la famille les avait fait développer de grandes capacités en informatique, en culture générale et en la conduite des voitures. Quant aux autres qui avaient évolué dans des centres, ils n’avaient éprouvé aucun progrès durant tous ces vingt ans.
Cette expérience explique, selon le Dr Rutembesa, combien la famille retient, dans sa main, le nœud de la gestion d’un malade mental, non seulement un autiste, qui est un malade chronique, mais aussi d’autres malades qui peuvent même se remettre. Cette expérience explique aussi, par l’absurde, que la stigmatisation (qui s’observe aussi dans les familles des malades) représente une menace dans la bonne gestion de ces maladies.
Quant à la stigmatisation qui s’observe dans les familles, il est au Docteur Rutembesa de révéler qu’il y a des cas où ces malades sont ligotés ou emprisonnés dans des chambres afin de ne pas être visibles et causer la honte. Certaines familles les renvoient définitivement dans la rue et ainsi se débarrassent-elles d’une tâche dérangeante. « D’autres encore, les plus sages, les précipitent au Caraes de Ndera et les y jette comme une ordure dans la poubelle, et ils ne reviennent jamais voir leur état, » se désole le Docteur Rutembesa.
« La stigmatisation aggrave la maladie »
Selon M. Jean Michel Iyamuremye, Directeur des Soins au sein de l’Hopital Neuropsychiatrique de Ndera, la stigmatisation peut évoluer dans deux sens. « Elle peut être négative ou positive, » précise-t-il. La stigmatisation négative englobe la phobie que peuvent avoir les bien-portants envers ces malades, le fait que les employeurs les renvoient du travail après guérison, etc. Mais la stigmatisation ne s’arrête pas seulement sur son côté négatif. Comme l’explique M. Iyamuremye, même la pitié ou même la compassion exagérée envers ces malades peut les isoler da la société et les faire remarquer qu’ils ne mènent pas une vie semblable à celle des autres.
« Ne travaille plus tu n’as pas suffisamment de force pour ce travail… Dors tu as besoin de te reposer… Laisse les autres le faire… » Ce sont des phrases pleines de compassion et de pitié qui sont lancées en caresses envers des malades mentaux par leur familles mais qui renferment une sorte de stigmatisation quoique positive. « Des fois, ils les empêchent même de cueillir des fleurs ou d’aller apporter de l’eau au robinet, » dit Mme Josée Nyetera.
Le Docteur Rutembesa dit qu’il ya une sorte de thérapie qui ne consiste qu’à donner de petits travaux à ces malades. Cette thérapie est connue sous le nom d’ergothérapie. « Ils sont chargés de travaux comme la lessive, le triage du haricots, etc. » annonce le Docteur.
Selon Iyamuremye, cette compassion exagérée ne consiste qu’à isoler les malades du reste de la famille ou même de la société et de les donner des raisons de se sentir beaucoup plus oppressés par leur situation de malade. « Ils n’ont pas besoin de cette pitié, ce dont ils ont besoin c’est de se sentir à capable de servir à quelque chose, » explique M. Iyamuremye. Alors un conseil que M. Jean Michel aimerait prodiguer à toutes les familles qui ont un malade mental c’est de « le contrôler sans lui alerter et de le laisser faire certains travaux car cela lui rétablira la confiance de soi, » prodigue-t-il.
Ils sont des malades comme les autres
Certaines maladies mentales pourraient être chroniques mais selon Mme Josée Nyetera ceci n’est pas une raison de manifester un rejet envers le malade. « Après tout, la société ne rejette pas des diabétiques ou des personnes qui ont de l’hypertension artérielle et pourtant elles sont des maladies chroniques de premier rang, » argumente Mme Nyetera.
Quant à Jean Michel Iyamuremye, il faudrait que les usagers d’Ikinyarwanda se méfient du mot employé à l’égard des malades mentaux : Abasazi (les fous). Ce mot selon M. Iyamuremye n’est pas à jour. « Pourquoi forgerons-nous des mots à employer envers des malades mentaux alors que nous ne les forgeons pas pour les paludiques ? » questionne M. Iyamuremye.