Kigali: La France renforce sa coopération avec le Rwanda par un appui budgétaire de 40 millions d’euros pour soutenir le plan sanitaire de riposte au Covid-19, ainsi que les mesures de protection sociale suite à cette pandémie, selon le Chargé d’affaire de la France à Kigali, Jérémie Blin, qui s’exprime aussi sur d’autres aspects d’une coopération relancée, qui se renforce de plus en plus. Lire son interview recueillie par André Gakwaya de l’Agence Rwandaise d’Information (ARI-RNA).
Agence Rwandaise d’Information(ARI) – Quel est l’état des relations entre la France et le Rwanda
Jérémie Blin (J.B) – Nos relations sont véritablement relancées. Lors de la visite du Président Kagame à Paris en mai 2018, les deux Présidents avaient décidé de relancer les relations bilatérales dans un esprit de partenariat. La signature des deux conventions de financement AFD (Agence Française de Développement) la semaine dernière avec le Directeur Général de l’AFD et le Ministre des Finances en est une première concrétisation importante.
Evidemment, on a d’autres projets, on va continuer à travailler pour développer les choses sur tous les plans. Sur le plan culturel, le plan économique, le plan de la coopération au développement, et continuer le travail dans l’esprit de partenariat qui préside aux relations entre nos deux pays.
ARI – Quelles sont les autres actions prioritaires que vous avez maintenant ?
J.B – La première, c’est évidement le retour de l’AFD au Rwanda, qui a été concrétisé comme je le disais la semaine dernière. On a signé un prêt de soutien budgétaire avec le Ministre des Finances pour 40 millions d’euros pour soutenir d’une part le plan sanitaire de riposte au Covid-19, et puis d’autre, part continuer à financer des mesures sociales qui ont été décidées par le Gouvernement rwandais pour appuyer les populations qui sont les plus affectées par l’impact négatif économique de l’épidémie.
On a aussi signé une convention de financement pour un don de 5,8 millions d’euros pour un projet de renforcement du système d’éducation professionnelle. Et donc là, l’idée est de regarder vers le futur, de soutenir la jeunesse rwandaise, permettre aux jeunes rwandais d’augmenter leur niveau d’éducation et pouvoir s’intégrer plus facilement ensuite sur le marché du travail.
Comme le Directeur Général de l’AFD l’a dit lors de la cérémonie de signature, on a d’autres projets auxquels on réfléchit en liaison avec les autorités rwandaises, notamment dans le domaine de l’énergie, de l’agriculture ou du numérique, et j’espère que ces projets pourront se concrétiser dans les mois qui viennent. Nous voulons être aux côtés du Rwanda dans la mise en œuvre de son ambitieuse stratégie de développement.
Sur le volet culturel, notre grand projet est de rouvrir le Centre Culturel Francophone. Evidemment on a pris du retard avec le Covid-19 et le confinement qui a été décidé avec les autorités rwandaises entre la mi-mars et le début mai. On ne pourra pas tenir notre objectif initial qui était une réouverture fin octobre début novembre. Maintenant on essaye de faire en sorte que la réouverture puisse se faire au début de l’année 2021. On a déjà sélectionné une entreprise qui est en charge de la maîtrise d’œuvre de l’opération, et on travaille avec elle pour préparer un projet qui sera, je l’espère, très séduisant.
ARI – Le coût du projet du Centre Culturel…
J.B – Grosso modo, le projet de Centre Culturel devrait coûter autour de 500 millions Frw.
ARI – Il y a des étudiants qui auraient dû poursuivre les études en France, mais tout a été bloqué par le Covid-19. Sont-ils au nombre de combien ? Qu’en est-il pour eux ?
J.B – Cette année, on a accordé trois bourses notamment pour des étudiants en santé. On a donc trois étudiants rwandais qui vont pouvoir partir étudier à la rentrée si les conditions sanitaires le permettent. Mais à priori ça sera le cas. Donc on espère qu’ils pourront rejoindre les Universités qui les ont acceptés dès la rentrée universitaire.
Vous savez que le Rwanda fait partie des pays pour lesquels l’UE a recommandé qu’il y ait une libre circulation des résidents rwandais vers les territoires de l’espace Schengen, à partir du 1er juillet. Et cette recommandation est pleinement appliquée par la France. Depuis le 1er juillet, les résidents rwandais peuvent de nouveau aller en France. Et donc les étudiants pourront y aller à la rentrée.
ARI – Je voudrais avoir plus de détails sur la coopération judicaire entre le Rwanda et la France dans la poursuite des génocidaires.
J.B – Nous nous félicitons bien évidemment de l’arrestation de Félicien Kabuga qui était un des principaux génocidaires présumés en fuite depuis de longues années. Comme vous le savez, la justice française a décidé qu’il soit transféré au Mécanisme International qui fait suite au Tribunal d’Arusha. Il a fait appel de cette décision comme il en a le droit. Maintenant, nous attendons la décision en appel. Pour le reste, le Président Macron avait pris l’engagement déjà l’an dernier et il l’a réitéré cette année dans le message qu’il a adressé au Président Kagame à l’occasion de la « Journée de la Libération » qu’il y ait des poursuites contre tous les présumés génocidaires rwandais qui résident en France. Cette action est menée par le Parquet et par les équipes de l’Office spécialisé de la Gendarmerie et la Police qui luttent contre les crimes contre l’humanité. La Justice mène son travail de façon complètement indépendante, mais déterminée, pour que les présumés génocidaires fassent l’objet d’enquête et des poursuites judiciaires.
ARI – Est-ce qu’il y a une initiative au niveau régional prise par la France pour relancer la CEPGL, rapprocher le Rwanda et le Burundi, et l’Ouganda ?
J.B. – Evidemment, ce que nous nous souhaitons est que les relations entre les différents pays des Grands Lacs soient aussi bonnes que possible, et donc, nous sommes prêts à soutenir toutes les initiatives dans cette direction. De ce point de vue, nous soutenons la médiation qui a été lancée par les Présidents angolais et de la RDC pour essayer de rapprocher le Rwanda et l’Ouganda.
Il ne nous appartient bien sûr pas de dire aux différents pays de la Région des Grands Lacs ce qu’ils doivent faire. En revanche, toutes les initiatives qui pourront être prises pour favoriser une coopération régionale plus importantes, toutes les initiatives qui font consensus entre les pays de la Région, nous serons heureux de les soutenir.
ARI – L’Union Africaine a décrété 2020 une année pour «faire taire les armes ». Mais il y a toujours des djihadistes en Afrique de l’Ouest où la France intervient pour les combattre…
J.B – Il y a effectivement comme vous le dites un certain nombre de points en Afrique avec des conflits, et des menaces terroristes importants. L’Union Africaine a pris cette initiative «faire taire les armes », une initiative d’ampleur pour faire ramener la paix et la stabilité dans l’ensemble du continent. Cette action, cette initiative, nous la soutenons.
Nous appuyons aussi le maintien de la paix et de la sécurité en Afrique à travers notre rôle au Conseil de Sécurité de l’ONU. Vous savez que,-parce que vous parliez du Sahel-, il y a une opération de maintien de la paix au Mali que nous soutenons évidemment.
Mais, c’est évidemment aux Africains avant tout de trouver des solutions pour régler les questions de paix et de sécurité sur le continent. L’Union Africaine mène une action déterminée dans ce sens, nous la soutenons pleinement. Il y a d’ailleurs des contacts très réguliers entre les autorités de la République Française et le Président de la Commission de l’Union Africaine, le Président Moussa Faki.
ARI- Avez-vous un message particulier à transmettre au public?
J.B – Oui. Le message que je peux adresser aux Rwandais, c’est d’abord de dire que je suis très heureux de voir que les relations entre la France et le Rwanda s’améliorent, que les décisions politiques qui ont été prises entre le Président Kagame et le Président Macron commencent à trouver une traduction concrète ici, directement au Rwanda, au bénéfice de la population rwandaise. Je pense particulièrement au prêt de 40 millions d’Euros sur le Coronavirus qu’on a signé la semaine dernière qui va bénéficier directement à plus de 620 mille Rwandais et Rwandaises.
Je crois que depuis mon arrivée il y a presqu’un an, les choses ont bien avancé. Maintenant nous devons continuer dans cet esprit de partenariat pour donner une dimension encore beaucoup plus importante à la relation bilatérale. (Fin)