Bien que d’âge avancé en apparence, Jacques Basare n’avait jamais pensé qu’un jour il subirait une opération qui l’empêcherait de procréer.
C’est ce qui lui est arrivé pourtant au début de cette année. Il n’était plus nécessaire de continuer à ajouter d’autres enfants aux sept autres que lui a donnés son épouse. Il lui est arrivé de penser qu’il éprouverait de vagues sentiments qualifiés de complexe de castration.
Mais ce n’était rien du tout, car, il a gardé sa personnalité et sa virilité intactes. Maintenant, il est, comme d’autres, convaincu que la vasectomie n’entame en rien la puissance sexuelle du mari. Et qu’elle est comme un remède à l’éjaculation précoce pour ceux qui l’ont subie.
Le témoignage du médecin spécialiste de cette intervention chirurgicale, Dr Donatien Tshibambe, le seul médecin du Centre de Santé de Bigogwe, est sans équivoque :
« Un homme qui éjaculait après trois minutes atteint ce niveau après une heure quand il s’est soumis à l’opération, selon certains hommes interrogés », a-t-il confié en ajoutant que, dans le district, les gens qui suivent la planification familiale sont actuellement 11%.
Ils sont 27% au niveau national, selon les sources du Ministère de la Santé.
Le district de Nyabihu à l’Ouest est en tête du pays dans la mise en œuvre de la planification des naissances par la vasectomie chez les hommes, puisque ceux-ci acceptent de plus en plus de se soumettre à la opération, selon ce médecin.
« Grâce à une forte sensibilisation pour une prise de conscience face au défi de la poussée démographique, depuis une année, plus de 270 cas de vasectomie ont été enregistrés dans le district deNyabihu », a-t-il encore indiqué.
Ce chiffre, toujours selon ce médecin, est estimé autour de la moitié des hommes qui ont subi la vasectomie au niveau du pays, puisqu’ils représentent tous un total de plus de 500 personnes.
Dr Tshibambe est l’un des deux formateurs nationaux pour la vasectomie dont le pays dispose. Il a précisé que l’opération se fait après un consentement éclairé entre l’homme et la femme. La vasectomie est aussi recommandée pour les hommes atteints du VIH/Sida.
La moyenne d’enfants par couple dans le district de Nyabihu, selon ce médecin, est de 6 à 7 enfants par couple.
« Les gens nous cherchent maintenant pour leur faire la vasectomie. Ils ont compris ses avantages. Ceux qui ont l’ont subie nous accompagnent quand nous sommes en déplacement pour la sensibilisation », a encore dit Dr Tshibambe.
Il s’adressait aux journalistes de POMEAN/Rwanda qui ont visité la Province de l’Ouest à la fin du mois de novembre. Le réseau POMEAN (Population Medias Advocacy Network) est formé par des professionnels des médias qui font le plaidoyer sur des questions de population.
L’opération de vasectomie ne se fait pas pour des hommes en dessous de 32 ans. Pour la subir, il est indiqué d’avoir au moins trois enfants et être âgé d’au moins 33 ans.
Les journalistes se sont entretenus avec le titulaire du Centre de santé de Bigogwe, l’infirmier Claude Amani pour en savoir plus sur la mortalité infantile et maternelle. Ils ont su que dès janvier 2009, deux cas de mort-nés au dispensaire ont été enregistrés. Tandis que les enfants morts à domicile sont deux.
« C’est rare qu’une femme accouche à domicile. Elles accouchent en chemin durant leur transfert au centre de santé où elles sont obligées de se rendre sur ordre des animateurs de santé qui ont été formés », a-t-il dit.
Ce qui pourrait diminuer les décès, selon ce titulaire, c’est que le centre de santé de Bigogwe se dote d’un service de chirurgie afin que le médecin intervienne rapidement. Les morts arrivent suite aux pertes de temps durant la recherche de frais d’évacuation.
L’on doit noter aussi que la population de la place respecte les programmes de vaccination.
Par ailleurs, le centre de santé de Bigogwe dispose de matériel pour la chirurgie, ainsi que du local. Ce n’est que l’autorisation du Ministre de la Santé qui manque encore.
Pour ce qui des infections au VIH/Sida, le Centre de santé de Bigogwe compte 800 séropositifs dont 500 sont sous des antirétroviraux (ARV). Deux enfants ont été infectés cette année à la naissance.
Il y aussi des femmes séropositives qui deviennent enceintes. Des précautions sont prises pour qu’à la naissance, l’enfant ne soit pas infecté.
« Nous donnons des conseils pour que durant six mois, la maman s’abstienne d’allaiter le nourrisson auquel nous donnons dans ce cas des aliments fournis par l’ONG Catholic Relief », a répondu le titulaire du Centre de santé.
Il est possible aussi que la maman traie de son sein le lait maternel et qu’elle le chauffe pour le purifier. S’il y a eu des cas d’infection à la naissance, c’est que l’accouchement s’est produit à domicile.
Le titulaire Amani a indiqué que la séropositivité atteint 6% au niveau des personnes qui se sont fait tester dans le Centre de santé de Bigogwe, alors qu’elle est de 3% au niveau national.
Quatre établissements scolaires du secondaire et des élèves du primaire, soit un échantillon de 1700 personnes, se sont soumis au test volontaire au VIH/Sida. Le résultat du test a été de zéro infection.
Côté malnutrition, Amani reconnaît que la malnutrition est une réalité dans le coin. Sept enfants souffrant de ce mal sont hospitalisés. D’autres viennent se faire soigner et rentrent chez eux. Tous reçoivent un régime alimentaire provenant du Ministère de la Santé.
La plupart des ménages atteints de kwashiorkor sont ceux qui se sont déplacés de Ngororero et qui sont encore à la recherche du travail. D’autres maladies fréquentes à Bigogwe sont la verminose, la pneumonie, la grippe et les accidents de route. La malaria y est pratiquement inexistante.
Le Centre a une capacité d’accueil de 27 malades à hospitaliser. Au moment du passage des journalistes de POMEAN, 16 lits étaient occupés. La consultation quotidienne atteint 60 personnes.
Le centre de santé de Bigogwe appartient à l’Eglise Anglicane du Rwanda dirigée par Mgr Rucyahana. Il a débuté en 2005. Le personnel comprend un médecin généraliste et 15 infirmiers. Certains agents sont payés par le Gouvernement rwandais, d’autres, comme le médecin, reçoivent leur salaire du Projet américain ICAP.
Le centre s’occupe de 15 233 habitants et dispose de beaucoup de services, y compris la stomatologie, le laboratoire et la pharmacie. Il est un des 15 centres de santé du district de Nyabihu dont cinq sont dotés d’une ambulance.
Les cas graves sont évacués vers Ruhengeri et Gisenyi situé chacun à une quarantaine de kilomètres.
Comme besoins, les responsables du centre souhaitent que le personnel soit augmenté et que le centre soit doté d’une salle d’opération.
« Au regard de sa position, notre objectif est de faire de ce centre un hôpital de district, pour qu’il serve les autres centres de santé », a confié le titulaire Amani, qui a ajouté que la population aimerait obtenir aussi une ambulances pour chacun des 15 centres de santé du district de Nyabihu. (FIN)