Des malades mentaux, des déviants, des déprimés, des acculturés. Les homosexuels sont traités de tous les noms par une partie des Rwandais qui les trouvent bons à être tués ou jetés en prison. Regroupés dans leur association, HOCA (Horizon Community Association), les homosexuels rwandais brisent aujourd’hui le silence après de longues années de travail dans la clandestinité et réclament haut et fort le respect de leurs droits et leur reconnaissance par l’État. Des membres de la communauté lesbienne, gay, et bisexuelle, avec l’appui de la société civile, font tout pour essayer de faire comprendre leur nature afin d’échapper à la marginalisation dont ils font l’objet.
Depuis fin 2009, le débat sur l’homosexualité a été soulevé au niveau national par la révision du Code pénal. Les homosexuels se sont battus pour en faire supprimer les articles qui pénalisent leur comportement. Ils ont obtenu gain de cause. Une évolution saluée par les organisations de défense des droits de l’homme. “C’est une avancée, car le comportement strictement privé des homosexuels ne porte aucune atteinte à la liberté des autres”, estime Pascal Nyilibakwe, secrétaire exécutif de la Ligue de défense des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL).
“Nous sommes des personnes, comme tout le monde”
Cependant, les Rwandais restent très partagés. Dans les médias comme dans les milieux politiques et religieux, certains soutiennent qu’il faut laisser tranquilles tous ceux qui se considèrent comme homosexuels. D’autres ne l’entendent pas de cette oreille et demandent qu’on lutte contre “ce fléau importé de l’Occident”. “Ce sont des déviants qui ne font que salir la culture rwandaise”, accuse un habitant de Kigali. “Ils sont malades, il faut les amener à Ndera (centre psychiatrique connu pour le traitement des maladies mentales, Ndlr)”, estime Kabera, un habitant de Kigali, mal à l’aise lors d’une récente intervention d’une lesbienne à la radio.
“Aucune personne ne devrait réclamer ou avoir ce droit (celui d’avoir un partenaire de même sexe, Ndlr)”, estime un membre d’Inteko izirikana, un conseil des vieux qui défend les valeurs de la culture rwandaise.
Naome Ruzindana, lesbienne, 34 ans, présidente de HOCA, ne désarme pas. “La société a du mal à nous accepter. Beaucoup pensent que nous avons tout appris de l’étranger ; d’autres disent que nous avons des troubles mentaux. Mais nous ne sommes pas malades. L’homosexualité n’est pas un choix, ou une maladie, mais une nature”, explique-t-elle.
La réintégration des homosexuels dans la société s’avère cependant difficile. Certaines personnes ont encore du mal à les côtoyer ou à leur parler.
Une partie de la population demande même de les écarter de la société pour qu’ils ne contaminent pas les autres. “La prison ne résoudra pas la question, explique une lesbienne de Kigali. Même si on ne nous accepte pas, nous resterons tels que nous sommes. Nous sommes des personnes, comme tout le monde. C’est Dieu qui nous a créés.
Ce n’est pas une loi qui nous changera.” Pour le Dr Eugène Rutembesa, psychologue, professeur à l’Université du Rwanda, “ces gens ne sont pas des malades mentaux. Ils n’ont aucun problème de santé”. “Les préférences sexuelles ne devraient pas diviser des citoyens. L’essentiel reste que chacun ait ses droits”, insiste Pascal Nyilibakwe, optimiste quant à l’évolution des mentalités.
Stigmatisés et discriminés
De nombreux homosexuels préfèrent vivre dans la clandestinité de peur d’être rejetés par la société, les amis et même par leurs parents rappelle l’association des gays et lesbiennes. Pour HOCA, de nombreux homosexuels ne bénéficient pas des services que l’Etat garantit normalement à tout citoyen. Ceux qui sont découverts sont chassés de chez eux ou obligés de fuir, les jeunes battus par leurs parents leurs voisins, etc. Ceux qui sont affectés par les maladies sexuellement transmissibles sont souvent rejetés par les médecins, comme si c’était eux qui s’attiraient ces maladies.
Au niveau national, ils ne sont pas inclus dans la politique et les activités de lutte contre le sida. Le risque d’infection au VIH/sida reste donc très élevé dans cette communauté. Selon The Lancet, une revue médicale britannique, des études récentes montrent que le taux de prévalence du VIH/sida chez les gays dans plusieurs pays africains serait 10 fois plus élevé que celui de la population en général. Pour un agent de la Commission nationale de lutte contre le sida, “le gouvernement rwandais devrait garantir tous les services sociaux aux homosexuels et planifier des programmes d’éducation sexuelle et de distribution des préservatifs en leur faveur.”