Le savoir-faire de la maman kangourou, qui, dès la naissance, garde son petit dans une poche ventrale où il grandit, bien au chaud, inspire les humains. Des recherches menées en Colombie ont montré l’intérêt pour les mères d’adopter plus ou moins la même méthode pour tenir au chaud leurs nouveau-nés prématurés, souvent chétifs.
Au Rwanda, le Dr Blaise Uhagaze, directeur de l’hôpital de Muhima, à Kigali, estime à environ 2 % le nombre de bébés qui naissent avec un faible poids (inférieur à 2,5 kg). Espérance Musanabera a ainsi donné la vie à de fragiles jumeaux. Chacun pesait environ un kilo à la naissance. Elle utilise la méthode kangourou depuis que l’état de ses bébés s’est stabilisé il y a un mois, c’est-à-dire qu’ils ont atteint leur autonomie respiratoire et sont capables de bien téter et déglutir. Les nourrissons pèsent aujourd'hui 1,8 kg chacun. Comme les autres mères de jumeaux, elle ne peut en réchauffer deux contre elle en même temps et a donc besoin que quelqu’un l'aide à porter l'un des deux nourrissons.
Assise sur son lit d’hôpital, elle explique : "Je prends mon bébé et le mets entre mes seins." Entre la maman et l’enfant, le contact doit être direct, peau contre peau. Espérance poursuit : "Je l’enveloppe ensuite dans un tissu chaud que je noue derrière le dos et je me couvre pour garder la chaleur." Caroline Ikiriza, responsable du service néonatal à Muhima, complète : "Le bébé garde ainsi la température de sa mère comme s’il était encore dans son ventre. Un prématuré qui prend froid peut mourir d’un coup."
Efficace et moins coûteuse
La maman doit maintenir son bébé dans cette position verticale 24 heures sur 24. Pour lui permettre de se reposer, un proche la remplace de temps en temps. Le bébé est nourri au sein et changé toutes les deux heures. Pour que la méthode réussisse et éviter les éventuelles maladies chez le nourrisson, l’hygiène de la mère et de l’enfant est indispensable, insiste la responsable du service néonatal.
La méthode kangourou a déjà prouvé son efficacité même dans des cas extrêmes. "Grâce à elle, nous avons pu sauver un bébé de 600 g", se félicite Caroline Ikiriza. Depuis 2007, 200 bébés ont déjà bénéficié de cette méthode. Pour la responsable du service néonatal de Muhima, cette pratique a considérablement réduit le nombre de décès de prématurés. Elle permet aussi de remédier à l’insuffisance de couveuses. Auparavant, il arrivait que trois bébés soient placés dans la même couveuse en même temps, ce qui augmente les risques de contagion, selon le Dr Blaise. Par ailleurs, les bébés en couveuse mettent plus longtemps à reprendre du poids. Selon lui, avec la méthode kangourou, ils grossissent plus rapidement et sortent plus vite de l’hôpital : "Ils peuvent ne passer qu'une semaine chez nous, alors que ceux placés en couveuse y restent plus de 2 semaines, voire des mois." Qui dit durée d'hospitalisation réduite dit moins de frais pour les parents qui économisent également sur la location de la couveuse.
Lien privilégié
Au-delà de ces avantages matériels, plusieurs études ont montré d’autres bienfaits pour l’enfant ayant grandi dans sa "poche" : rythmes cardiaque et respiratoire plus réguliers, périodes de sommeil plus longues, développement cérébral plus rapide, moins de pleurs, etc. Les bénéfices pour les mamans sont également importants : elles se sentent ainsi plus rapidement proches de leur bébé. Un lien qu’il ne faut surtout pas rompre brutalement. Ainsi, à la sortie de l’hôpital, la mère doit conserver la même méthode jusqu’à ce que les médecins jugent le bébé apte à vivre comme les autres. La participation de la famille est donc nécessaire pour aider la mère, lui permettre de se reposer et lui éviter les travaux pénibles. C'est pourquoi une autre personne – le mari ou un proche – doit se former avec elle à cette méthode. Les femmes qui accouchent de prématurés par césarienne ont en outre besoin de quelqu’un qui porte leur bébé jusqu'à la cicatrisation de la plaie.
Malgré les succès de cette méthode, mieux vaut éviter de mettre au monde des prématurés grâce à une bonne surveillance et une bonne hygiène de vie pendant la grossesse. La mauvaise alimentation de la mère affecte, en effet, le développement du fœtus et entraîne souvent un faible poids à la naissance. Le paludisme et l’anémie, rappelle Caroline Ikiriza, sont aussi facteurs de risques. L’absence de consultations prénatales régulières empêche un suivi médical correct qui éviterait que des enfants soient hospitalisés et suivis médicalement dès la naissance.
La méthode kangourou semble en tout cas vouloir faire des petits. Elle sera bientôt étendue à d’autres hôpitaux du pays.