Procès pour génocide de Rwamucyo à Paris, jeudi 24 octobre 2024. J18

Audition de Faustin MUNYERAGWE, ancien directeur de la prison de KARUBANDA.

Interrogatoire de l’accusé.

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Suite à un problème de connexion internet le compte rendu de la matinée sera complété ultérieurement.

Audition de monsieur Faustin MUNYERAGWE, ancien directeur de la prison de KARUBANDA. Cité à la demande du ministère public. En visio-conférence depuis Kigali

Monsieur MUNYERAGWE est l’ancien directeur de la prison de KARUBANDA. Il a été condamné pour génocide, après avoir avoué. Aujourd’hui, il a considéré que l’absence totale d’aide et d’implication pour arrêter le génocide à BUTARE de la part des autorités était criminelle.

Au cours de l’audition du témoin, dirigée par la lecture de ses précédents interrogatoires (en 2004 et 2007 devant des enquêteurs canadiens), celui-ci établira avec clarté l’organisation permettant à l’accusé, Eugène RWAMUCYO, de venir réquisitionner des prisonniers pour procéder aux enfouissements des cadavres. Cette organisation souligne l’implication de toutes les autorités et de tous les services, qui supervisent le génocide dans le cadre des conseils de sécurité (élargis ou restreints).

Dans le cadre d’un comité mis en place par le conseil de sécurité préfectoral élargi, monsieur MUNYERAGWE s’est rendu sur trois sites de massacres, et où un ensevelissement aura lieu par la suite : le bois près de centre psychiatrique à KABUTARE, le bois à BUYE (« près du quartier résidentiel ») et TABA.

Suite à la réunion du conseil de sécurité du 21 avril 1994, il est décidé que des prisonniers de KARUBANDA seraient réquisitionnés pour participer à l’enfouissement des corps. Après cette réunion, monsieur MUNYERAGWE reçoit un coup de fil de Joseph KANYABASHI, bourgmestre de NGOMA lui demandant de bien vouloir prêter des prisonniers à cette fin à Eugène RWAMUCYO. Le directeur de la prison accepte, à condition que soit établie une réquisition en bonne et due forme de la préfecture. Une fois faite, RWAMUCYO se rend directement à la prison pour constituer une équipe. Monsieur MUNYERAGWE dit n’avoir vu l’accusé que deux ou trois fois, puisque les visites suivantes de RWAMUCYO à la prison sont directement traitées par le surveillant en chef.

Le témoin reviendra également sur l’assassinat des 23 prisonniers Tutsi (juste avant l’arrivée du FPR), l’arrivée d’un des Caterpillars utilisés pour procéder aux enfouissements dans la préfecture et la constitution des conseils de sécurité.

Interrogatoire de l’accusé sur le fond

Débutant à 15h30, la première partie de l’interrogatoire de l’accusé s’est achevée à 22h20. Durant ces presque sept heures, Eugène RWAMUCYO a été interrogé sur sa participation aux ensevelissements et plus généralement à son rôle dans le génocide à BUTARE.

Une part importante de la discussion se construira autour de la lecture du rapport rédigé par monsieur RWAMUCYO (mais signé par son référent à l’UNR, KAREMERA datant de fin avril et faisant la liste des préconisations en matière socio-sanitaire au CHUB. Chaque point du rapport donnera lieu à des questions de la part de monsieur le président. Celui-ci ne manquera pas de relever les nombreuses inconsistances et incohérences de l’accusé. Ce dernier minimisera l’étendue des crimes, puisqu’il dira avoir relevé et supervisé l’ensevelissement de 300 cadavres à l’église de NYUMBA ou encore une soixantaine au grand séminaire de NYAKIBANDA. Selon lui, la grande majorité du travail d’enfouissement a été réalisée avant sa propre intervention, à la fin du mois d’avril. Il répètera à plusieurs reprises, visant indirectement des témoignages à charge entendus les jours précédents, que certains veulent modifier le cadre spatial et temporel. Au contraire, le président relèvera ce que ce rapport « ne dit pas » : dans tous les documents écrits ou signés par RWAMUCYO, il n’est jamais question de cadavres ou d’enfouissement.

Après de nombreuses questions de la cour, monsieur RWAMUCYO sera interrogé par les avocats des parties civiles. L’accusé n’aura pas de vraie réponse à apporter au fait soulevé par l’une des avocates selon lequel l’enfouissement, à même la terre, les corps pêle-mêle et sans marquage postérieur est contre-productif d’un point de vue de l’hygiène. Seront également évoquées les consignes concrètes de RWAMUCYO concernant les fosses, comme leurs dimensions.

Me PETRE et Me PERON, les avocats généraux, poseront de nombreuses questions, notamment relatives à la chronologie présentée par l’accusé. Ils relèveront eux aussi les nombreuses contradictions qui émaillent les diverses dépositions de RWAMUCYO, sans compter sur les documents d’ordre médical (ou du moins compris comme tels, comme les rapports) ou administratif qui viennent eux aussi contredire la version de l’accusé.

Les interrogations de la défense permettront à monsieur RWAMUCYO de reconnaître une certaine déconnexion de ses activités par rapport à la gravité de la situation. Sera également évoquée son absence de vie sociale et de connaissance à (et de) BUTARE. Me Meilhac, pour contester les accusations (formulées ou non) de dissimulation, énumérera les pièces produites par Eugène RWAMUCYO de son plein gré.

L’audience se terminera là-dessus. L’interrogatoire continue le lendemain. Il se focalisera sur la réunion avec le premier ministre Jean KAMBANDA le 14 mai 1994 et la participation de l’accusé. (A suivre) 

Par Alain GAUTHIER, président du CPCR ; Jules COSQUERIC, bénévole ; et Jacques BIGOT, pour les notes et la mise en page