“Je paierai un avocat ; je suis sûr de pouvoir gagner ce procès avec lui”, confie Alphonse K., un agriculteur du nord du Rwanda sortant du tribunal de base de Musanze après la première séance de son procès. Comme lui, de nombreux Rwandais commencent à solliciter l’appui d’un avocat lorsqu’ils sont convoqués à la police, au tribunal, à l’administration ou dans le secteur privé.
La constitution rwandaise dans son article 18, stipule, en effet, que chaque Rwandais a droit d’être assisté par un avocat dans chaque structure où il est convoqué.
Maître Laurent Nkongoli, commissaire à la Commission des droits de l’homme confie : “Nous expliquons lors des différentes réunions avec la population qu’ils doivent profiter de ce droit à l’assistance juridique. Certains commencent à expérimenter ses avantages.”
Selon Me Ryangarirora Bonaventure, c’est le nombre élevé de procès liés au génocide qui a favorisé le recours aux services des avocats étant donné la complexité de ces procès : “La plupart des accusés du génocide ignoraient la loi et se sentaient plus en confiance au tribunal accompagnés par un avocat.” Chaque officier de police judiciaire opérant à la base, explique Me Nkongoli, est tenu, avant d’interroger quelqu’un dans l’enquête pénale, de lui demander s’il veut répondre lui-même ou s’il veut l’assistance d’un avocat. Ce qui incite les gens à les consulter.
Appui juridique utile
Uwimana Emmanuel, habitant au sud du Rwanda, a bénéficié de l’appui d’un avocat, grâce à un ami : “Je ne savais pas qu’ils existaient jusqu’à ce que, dernièrement, je sois convoqué au tribunal pour une infraction que je n’ai pas commise.” Un ami lui a alors conseillé de payer un avocat, car, selon E. Uwimana, le fait d’être innocent ne dispense pas de connaître la loi lors du procès. Sans l’appui d’un avocat, Kanuma L. estime ainsi qu’il n’aurait pas réussi à avoir gain de cause. “Au tribunal de base, je n’ai pas pu réunir toutes les preuve, et j’ai perdu le procès. Ce n’est qu’au recours que j’ai gagné grâce aux conseils de mon avocat”, confie-t-il.
Pour Charles Kaliwabo, porte-parole des tribunaux du Rwanda, les avocats jouent un rôle important dans l’orientation de leurs clients. Lors des procès, ils donnent aussi plus de précisions basées sur la loi aux juges que leurs clients qui, souvent, ne la connaissent pas. Ce qui aide le tribunal à prendre sa décision. Kasine Olive, qui, elle aussi, a déjà bénéficié d’un appui juridique d’un avocat, déplore que les avocats soient beaucoup plus présents en ville qu’à la campagne.
Selon le bâtonnier Vincent Karangwa, en effet, le Barreau n’a pas encore de moyens de s’implanter dans chaque district, mais des avocats sont actuellement accessibles au moins dans toutes les provinces. Toutefois, dans chaque district, le ministère de la Justice a implanté une structure chargée d’orienter et de donner des conseils juridiques à la population, la “Maison d’accès à la justice”, précise C. Kaliwabo.
Des tarifs élevés
Aline M., qui n’a pas de moyens, a été assistée gratuitement par un avocat du Barreau. Selon le bâtonnier, pour obtenir cette aide juridique gratuite, les démunis doivent présenter un document émanant des autorités locales, attestant qu’ils n’ont pas les moyens de payer un avocat.
Les Rwandais qui peuvent payer les services d’un avocat sont encore peu nombreux, estime Kharim T, habitant de la ville de Kigali : “Pour que mon avocat m’assiste, j’ai payé 60 000 Frw (plus de 100 $. Combien de Rwandais peuvent se permettre cela ?” Pour lui, le Barreau devrait revoir ses tarifs et les réduire pour que de nombreux Rwandais y accéder. A l’inverse, le bâtonnier estime que ces tarifs seront plutôt revus à la hausse, car ils doivent s’adapter aux prix actuels sur le marché.
“L’actuel barème est prévu par la loi portant création du Barreau de 2001. Depuis lors, les prix sur le marché ont triplé ; l’avocat doit lui aussi pouvoir faire face à ces hausses.” Selon lui, les défenseurs tiennent compte aussi de la situation financière de leurs clients pour fixer son prix.
Pour chaque service, il est prévu un minimum et un maximum, au-delà duquel il ne doit pas aller. Mais pour que tout le monde ait les mêmes chances devant la loi, en particulier les indigents, il pense que le ministère de la Justice et d’autres organisations doivent continuer à financer le Barreau.